L’affiliation est-elle morte ? Les secrets d’un programme performant
Selon une légende urbaine, l’affiliation aurait été créée par Amazon dans les années 90. Une autre, un peu plus glauque, l’attribue à l’industrie du X. Quoi qu’il en soit, après des années fastes, ce système semble se stabiliser, voire décroître. Le RGPD, le programmatique, les GAFA… sont-ils en train de faire disparaître ce modèle ? Pourtant, l’affiliation possède encore des arguments très intéressants. Pour en parler, nous recevons Mathieu, ancien Directeur Général France de Time One Performance, qui a vécu de l’intérieur plus de dix ans de l’histoire de l’affiliation en France.
Son parcours est pour le moins atypique : ‘Je suis arrivé chez Time One à l’époque donc public Idée en 2007, on était 7 ou 8 et quand je l’ai quitté en 2017, donc 10 ans après, on était 150’. Cette expérience lui a donné une vision complète du marché, de la technologie aux relations humaines. Aujourd’hui, il nous livre sa vision et ses conseils pratiques pour tout annonceur souhaitant lancer ou optimiser son programme d’affiliation.
Qu’est-ce que l’affiliation ? Définition et histoire d’un modèle à la performance
Avant de plonger dans la stratégie, revenons aux fondamentaux. Qu’est-ce qui définit réellement l’affiliation marketing ? Pour Mathieu, la réponse est claire et tient en un concept : la performance.
Le modèle économique qui séduit les annonceurs
La grande force de l’affiliation, son ADN, c’est son modèle de rémunération. Mathieu le résume parfaitement : ‘la spécificité de l’affiliation, c’est quand même son modèle économique à la performance. C’est un modèle économique qui est très sexy pour les annonceurs finalement puisqu’ils maîtrisent parfaitement leur coût d’acquisition’. Concrètement, cela signifie que la marque ne paie que si un résultat tangible est atteint. ‘La marque va définir finalement ce qui est une conversion. Alors ça peut être une vente, ça peut être un lead, ça peut être un clic ou une visite’.
Le mécanisme est un partenariat tripartite : une marque (l’annonceur) fournit des outils promotionnels à un partenaire (l’affilié ou l’éditeur). Ce dernier les diffuse sur son site, son blog ou sa base de données. Il génère du trafic vers le site de la marque. Si ce trafic se transforme en conversion, l’affilié touche une commission. ‘C’est cette conversion qui va donner droit à rémunération au publishe et qui donc entraîne un coût à la marque. C’est vraiment ce schéma là qui fait fonctionner l’affiliation’.
L’âge d’or et le point de bascule de 2015
L’affiliation a connu une croissance impressionnante jusqu’en 2015. Mathieu identifie deux raisons principales à cet essor. D’un côté, les annonceurs étaient séduits par ce modèle économique maîtrisé. De l’autre, les éditeurs de sites (les ‘publishers’) avaient des options de monétisation assez limitées. ‘Tu faisais de la sense, […] tu faisais un trafic assez intéressant pour être en régie ou tu faisais de l’affiliation’. Le marché était donc un alignement parfait des besoins des deux parties.
Cependant, vers 2015, les cartes ont été redistribuées. ‘L’arrivée de la programmatique a aussi fait reventiler finalement des certains types d’investissements vers des leviers d’achat médias nouvelle génération’. Les solutions publicitaires de Google ont également pris une ampleur considérable. Du côté des éditeurs, les options de monétisation se sont multipliées, faisant de l’affiliation une solution parmi d’autres. Parallèlement, les annonceurs ont gagné en maturité. Beaucoup d’experts des plateformes d’affiliation sont passés côté annonceur, apportant leur expertise en interne. Cette maturité a entraîné une nouvelle approche : l’analyse de la contribution des leviers entre eux. ‘C’est là où effectivement l’analyse contributive a commencé à montrer on va dire que le modèle économique de la performance n’était peut-être pas si idéal que ça’. L’affiliation a dû prouver sa valeur ajoutée dans un écosystème marketing de plus en plus complexe.
Comment lancer son programme d’affiliation : le guide pratique pour les annonceurs
Mettons-nous dans la peau d’un annonceur qui souhaite lancer une campagne d’affiliation. Par où commencer ? Mathieu propose une approche structurée en plusieurs étapes cruciales de préparation.
Étape 1 : Définir ses objectifs et calculer sa rentabilité
La toute première étape est de définir précisément la conversion que l’on souhaite obtenir. ‘Une conversion c’est une vente, mais […] qualifier de vente […] c’est pas suffisant. Est-ce que c’est une vente ancien client ? Est-ce que c’est une vente nouveau client ?’. Cette précision est fondamentale, car elle détermine la valeur de l’action pour l’entreprise. Il en va de même pour les leads : ‘Remplir une inscription à une newsletter […] c’est pas la même chose qu’un formulaire de demande de devis pour une assurance’.
Une fois la conversion définie, il faut analyser la marge qu’elle génère. ‘L’analyse de ta marge brute générée sur une vente ou un lead va te permettre de calculer ta capacité à pouvoir rétribuer ton partenaire’. Cette analyse est la clé pour proposer une commission affiliation attractive et motivante, sans mettre en péril sa propre rentabilité. Mathieu utilise une analogie parlante : ‘Les éditeurs, c’est comme une équipe de commerciaux en fait. […] Il faut les motiver avec un bon salaire et donc il faut leur proposer des commissions qui soient attractives’. Pour une vente, le calcul est simple. Pour un lead, c’est plus complexe, car il faut estimer le taux de transformation en client et la ‘lifetime value’.
Étape 2 : Auditer ses sources d’acquisition pour viser l’incrémental
Avant de se lancer, il est indispensable de faire un état des lieux de ses actions marketing payantes (paid media) existantes. ‘Ça vous permet finalement de mapper les zones qui sont déjà couvertes […] et de définir par soustraction les types de partenaires que vous allez pouvoir mettre en œuvre’. L’objectif est clair : ‘le but du jeu du programme, c’est d’arriver en incrémental des actions existantes et pas en frontal’.
Mathieu donne un exemple très concret : ‘Si vous faites déjà des campagnes d’emailing d’acquisition en direct, […] ça sert à rien d’aller en faire en plus sur votre plateforme. […] Sinon vous arrivez en frontal et les deux vont se cannibaliser’. La réflexion doit donc porter sur les zones non couvertes ou sous-exploitées par les campagnes actuelles.
Étape 3 : Choisir les bons partenaires pour son programme
Une fois l’audit réalisé, on peut identifier les types de partenaires pertinents. Pour un e-commerçant vendant des chaussures, Mathieu cite des incontournables : ‘les partenaires bad funnel, bad tunnel donc qui vont jouer sur le prix. […] Les sites de coupons, les clubs d’acheteurs comme les sites de cashback, […] les comparateurs de prix’. Ces leviers historiques de l’affiliation sont très efficaces en fin de parcours d’achat.
Mais il ne faut pas s’arrêter là. Il y a aussi ‘tous les sites affinitaires et verticaux donc qui sont en affinité avec vos produits ou qui sont en affinité avec votre cible’. Aujourd’hui, on les appelle blogueurs ou influenceurs. ‘C’est tout simplement je sais pas un site qui parle des nouvelles chaussures de basket très précises qui génère une audience d’affisionados’. C’est là que l’affiliation redevient un métier très humain, basé sur des partenariats ‘one to one’ pour réfléchir ensemble aux meilleures mécaniques pour engager une audience.
Étape 4 : Sélectionner sa plateforme d’affiliation : une question de confiance
Après avoir défini ses objectifs et sa stratégie, il est temps de choisir une plateforme affiliation. Mathieu, fort de ses dix ans d’expérience, est formel : le facteur décisif n’est pas la technologie. ‘Globalement on va pas se mentir, aujourd’hui les plateformes d’affiliation […] ont des technologies qui sont assez similaires’.
Alors, qu’est-ce qui fait la différence ? ‘Ce qui compte le plus, c’est l’humain. C’est la confiance qu’on crée quand on rencontre quelqu’un, c’est l’affinité, c’est la connaissance qu’on a de son secteur aussi’. La relation humaine prime sur tout le reste. Choisir une plateforme, c’est avant tout choisir une équipe avec qui l’on se sent en confiance pour collaborer sur le long terme. Il conclut avec une citation parfaite : ‘Aujourd’hui c’était le Up forum, le hashtag c’était No trust, no business. Bah je trouve que c’est bien adapté’.
Les 5 facteurs clés pour un programme d’affiliation réussi
Lancer un programme est une chose, le faire performer en est une autre. Mathieu identifie cinq facteurs clés de succès pour transformer une simple campagne en une machine de guerre marketing.
1. La transparence : la base d’un partenariat solide
Reprenant son allégorie de l’équipe commerciale, Mathieu insiste sur la transparence : ‘Une équipe commerciale pour qu’elle fonctionne bien, il faut lui parler aux commerciaux, […] il faut être transparent avec eux’. Il en va de même pour les affiliés. ‘Plus vous impliquez vos partenaires dans votre business, dans vos besoins, plus vos partenaires vous le rendront au centuple’. Partager les orientations stratégiques, être clair sur les commissions, crée un cercle vertueux de confiance et de performance.
2. Des outils de promotion variés et à jour
Pour que vos partenaires puissent promouvoir efficacement votre marque, il faut leur fournir les bons outils. Cela inclut ‘des bannières, des flux XML qui sont bien normés, bien à jour, détaillés, des kits mail par exemple qui sont renouvelés régulièrement’. La clé est de ‘toujours proposer de la nouveauté’ pour maintenir l’intérêt et l’engagement du réseau.
3. La communication et l’animation du réseau
Un programme d’affiliation ne doit pas être en pilotage automatique. Il faut l’animer. ‘On peut mettre en place des newsletters vers ses partenaires pour les tenir informé’. Mais il faut aussi les stimuler : ‘Faut aussi les challenger. Comme les commerciaux. […] on peut mettre en place des challenges pour ses éditeurs, bah pour les motiver à vendre plus tout simplement’.
4. Le suivi du taux d’éditeurs actifs, un KPI vital
C’est un indicateur que Mathieu juge ‘hyper important’, car c’est ‘vraiment le KPI de santé de votre programme’. Une augmentation du nombre d’éditeurs actifs est un signe que votre programme est attractif. Mais il y a un bénéfice caché crucial : ‘En affiliation vos impressions et vos visites, elles sont gratuites puisque vous ne payez que la performance. Donc plus vos éditeurs diffusent, plus vous avez du display gratuit en fait’. Chaque bannière affichée, même si elle ne convertit pas immédiatement, contribue à la notoriété de la marque sans coût direct.
5. Une commission sur-mesure pour chaque type de partenaire
C’est le point qui dénote une gestion de programme mature et fine. ‘Le dernier point pour moi qui est hyper important, c’est vraiment d’adapter vos modes et vos niveaux de commission au type d’éditeurs’. Mathieu compare à nouveau avec l’équipe commerciale : on ne paie pas un junior comme un commercial senior avec 40 ans d’expérience. Pour les affiliés, c’est pareil. ‘La bonne gestion de partenariat, c’est un éditeur égale un niveau de commission’.
Par exemple, ‘on va avoir des emailers qui vont être rémunérés à la performance mais avec un minimum garanti. On va avoir des cache backers qui vont être payés 100 % performance. On va pouvoir avoir des affinitaires qui peuvent être potentiellement payé au CPC’. Cette finesse dans la gestion du commissionnement est ce qui permet d’optimiser réellement la rentabilité et de construire des relations solides avec chaque partenaire.
Piloter sa performance : les KPI essentiels à surveiller
Une fois le programme lancé et animé, il faut le piloter avec précision en suivant les bons indicateurs de performance (KPI).
Les indicateurs business : ventes, ROI et CAC
Le premier niveau d’analyse est bien sûr le suivi des résultats business : ‘le volume de vente généré, enfin le volume de conversion de vente ou de lead’. Pour les programmes à la vente (CPA), on surveille de près ‘le ROI (Retour sur Investissement) et le CAC (Coût d’Acquisition Client)’. Il est aussi essentiel de comparer ces chiffres ‘par rapport à M-1 ou année -1 pour voir l’évolution’.
La loi de Pareto en affiliation : comprendre la règle des 20/80
Un phénomène quasi mathématique s’observe sur tous les programmes : la loi de Pareto. ‘Vous allez avoir 20 % de vos partenaires qui vous génèrent 80 % de vos conversions. Ça c’est un poids qui est limite mathématiquement constaté sur tous les programmes’. Faut-il pour autant se séparer des 80% restants qui ne génèrent que 20% du business ? La réponse de Mathieu est non. ’20 % de business c’est pas rien […]. Et je vous rappelle que ces 80 % d’éditeurs qui font 20 % de conversion, c’est 80 % qui diffusent des bannières […] gratuitement’. Ils contribuent à la visibilité et ne doivent donc pas être évacués.
La vigilance technique : tracking et interfaçage
Enfin, un pilotage rigoureux passe par des vérifications techniques régulières. Il faut s’assurer du ‘contrôle du tracking, des redirections’ et de la bonne synchronisation avec les outils tiers comme Analytics ou les plateformes de mesure de contribution. ‘Regarder que l’interfaçage est bien fait qu’il y a pas de d’écart de statistiques ou de choses comme ça’. Un tracking défaillant peut fausser toutes les analyses et nuire à la relation de confiance avec les affiliés.
En conclusion, si l’écosystème du marketing digital a évolué, l’affiliation n’est pas morte. Elle s’est transformée. Elle exige aujourd’hui plus de stratégie, plus de finesse et plus de relations humaines. En suivant une méthodologie rigoureuse, de la préparation au pilotage, un programme d’affiliation reste un levier d’acquisition extrêmement puissant, rentable et créateur de valeur tant pour la marque que pour son réseau de partenaires.
FAQ sur le lancement d’un programme d’affiliation
Qu’est-ce que le marketing d’affiliation pour un annonceur ?
Le marketing d’affiliation est un modèle publicitaire basé sur la performance. Un annonceur paie des partenaires externes (les affiliés) uniquement lorsqu’une action spécifique, comme une vente ou l’inscription à un formulaire (lead), est réalisée grâce à leur promotion. Cela permet une maîtrise parfaite des coûts d’acquisition.
‘La spécificité de l’affiliation, c’est quand même son modèle économique à la performance. C’est un modèle économique qui est très sexy pour les annonceurs finalement puisqu’ils maîtrisent parfaitement leur coût d’acquisition.’ – Mathieu
Comment est rémunéré un affilié ?
Un affilié est rémunéré via une commission lorsqu’un internaute qu’il a redirigé vers le site de l’annonceur effectue une conversion (vente, lead, etc.). Le mode de rémunération peut varier : un pourcentage sur la vente (CPA), un montant fixe par lead (CPL), ou parfois un paiement au clic (CPC) selon le type de partenaire.
‘Le contrat qui est passé finalement entre la marque et l’éditeur du site […] c’est que l’affilié […] doit donc générer du trafic sur cette marque et ce trafic doit convertir et c’est cette conversion qui va donner droit à rémunération au publishe.’ – Mathieu
Comment choisir la bonne plateforme d’affiliation ?
Bien que les technologies des plateformes soient souvent similaires, le critère de choix le plus important est le facteur humain. Il est essentiel de choisir une plateforme avec une équipe en qui vous avez confiance, qui comprend votre secteur et avec laquelle vous vous sentez à l’aise de collaborer sur le long terme.
‘Forcé de constater que ce qui compte le plus, c’est l’humain. […] choisissez une plateforme avec qui vous vous entendez bien, avec qui vous avez confiance. […] No trust, no business.’ – Mathieu
Quels types de partenaires peut-on recruter pour un programme d’affiliation ?
Il existe une grande variété de partenaires : les sites de bons de réduction (couponing), les sites de cashback, les comparateurs de prix, mais aussi les sites de contenu spécialisés (affinitaires), les blogueurs et les influenceurs. Le choix dépend de vos objectifs et de votre cible.
‘Il y a des leviers et des partenaires incontournables qui vont être […] les sites de coupons, les sites les clubs d’acheteurs comme les sites de cashback par exemple. Vous allez aussi avoir les comparateurs de prix […] tous les sites affinitaires et verticaux.’ – Mathieu
Comment calculer la commission à proposer à ses affiliés ?
La commission doit être calculée à partir de la marge brute que vous générez sur chaque conversion (vente ou lead). L’objectif est de proposer une rémunération suffisamment attractive pour motiver les affiliés et être compétitif, tout en préservant votre propre rentabilité.
‘L’analyse de ta marge brute générée sur une vente ou un lead va te permettre de calculer ta capacité à pouvoir rétribuer ton partenaire. […] Il faut les motiver avec un bon salaire et donc il faut leur proposer des commissions qui soient attractives.’ – Mathieu
Pourquoi est-il crucial d’adapter les commissions par type d’affilié ?
Tous les affiliés n’apportent pas la même valeur et n’opèrent pas avec le même modèle économique. Un site de contenu qui travaille la notoriété en amont du tunnel de vente ne peut pas être rémunéré de la même façon qu’un site de cashback qui intervient en fin de parcours. Adapter les commissions permet de valoriser chaque partenaire à sa juste mesure et d’optimiser la performance globale.
‘La bonne gestion de partenariat, c’est un éditeur égale un niveau de commission. […] quand on est dans cette finesse, on a un programme qui tourne super bien.’ – Mathieu
Quels sont les KPI les plus importants pour un programme d’affiliation ?
Outre les KPI business classiques (volume de ventes/leads, ROI, coût d’acquisition), un indicateur fondamental est le taux d’éditeurs actifs sur votre programme. C’est un signe de la bonne santé et de l’attractivité de votre offre, et il mesure également la visibilité ‘gratuite’ que vous obtenez.
‘C’est toujours toujours avoir le nez sur le taux d’éditeur actif que vous avez sur votre programme. […] c’est vraiment le KPI de santé de votre programme.’ – Mathieu
L’affiliation est-elle complémentaire des autres leviers marketing ?
Oui, et c’est un point essentiel. Un programme d’affiliation doit être conçu pour être ‘incrémental’, c’est-à-dire pour apporter des ventes ou des leads supplémentaires par rapport à ce que génèrent déjà vos autres actions (SEA, emailing direct, etc.). Une bonne stratégie évite la cannibalisation entre les différents canaux.
‘Évidemment le but du jeu du programme, c’est d’arriver en incrémental des actions existantes et pas en frontal.’ – Mathieu




