L’emailing est-il mort ? Les chiffres qui tordent le cou aux idées reçues
« Les campagnes e-mailing, c’est nul, ça ne sert à rien et en plus, c’est du spam. » Cette phrase, vous l’avez probablement déjà entendue, voire pensée. Pourtant, il suffit de se pencher sur les chiffres pour comprendre que ce canal, malgré son grand âge, a encore une pêche d’enfer. Une étude de Cheetah Digital, axée sur le marché français, nous donne des résultats sans appel : 26 % des internautes dans le tourisme ouvrent leurs emails, 20 % dans la mode, et même 30 % dans le luxe. Les taux de réactivité, c’est-à-dire le taux de clic, sont tout aussi impressionnants : 3,75 % pour le tourisme et jusqu’à 5,04 % pour le luxe.
Comme le souligne Jérôme Delande, directeur délégué Data chez Prisma Media Solution et notre invité expert, d’autres chiffres confirment cette tendance. « Premièrement, 98 % des internautes ont a minima une adresse email. L’e-mailing est encore le canal premium par excellence pour l’incitation à visiter un site web et à se rendre en magasin. » On est donc loin, très loin, d’un média obsolète. C’est un outil qui, lorsqu’il est bien maîtrisé, offre un espace de communication privilégié avec l’internaute et surpasse encore bien d’autres canaux en termes de performance. Alors, quelles sont les meilleures techniques pour créer une campagne emailing qui convertit ?
Les bases incontournables d’une stratégie emailing performante
Avant de se lancer dans la création d’un email, il est essentiel de maîtriser les fondations sur lesquelles repose toute stratégie efficace. L’emailing n’est pas qu’une question de créativité ou de promotion ; c’est avant tout une affaire de consentement, d’objectifs clairs et de ciblage chirurgical.
Comprendre la notion de consentement : fidélisation vs acquisition
Le point de départ absolu, la pierre angulaire de tout l’édifice, est le consentement de l’internaute, que l’on nomme « Opt-in ». Sans lui, vous ne faites pas de l’emailing, vous faites du spam. Jérôme Delande distingue deux grandes familles qui découlent de ce consentement :
- La fidélisation : Ici, « l’internaute est opt-in marque ». Cela signifie qu’il a explicitement demandé à recevoir la newsletter, les informations et les offres de l’annonceur auprès duquel il s’est abonné. Le but est de nourrir la relation avec un client ou un prospect déjà intéressé.
- L’acquisition : Dans ce cas, « l’internaute est devenu opt-in partenaire ». Il a non seulement accepté de recevoir des communications de la marque initiale, mais il a aussi consenti à recevoir des offres commerciales des partenaires de cette marque. C’est un levier puissant pour toucher de nouvelles audiences qualifiées.
Cette distinction est fondamentale car elle conditionne le type de message, le ton à adopter et les offres à proposer. On ne s’adresse pas de la même manière à un client fidèle qu’à un prospect qui ne nous connaît pas encore.
L’objectif et la cible : le point de départ de toute campagne
Une fois le cadre légal et stratégique posé, la première question à se poser est simple : pourquoi lance-t-on cette campagne ? « Quel est l’objectif de l’annonceur », insiste Jérôme. Est-ce pour développer la notoriété de la marque (branding) ? Pour générer du trafic vers un site e-commerce ou un réseau de magasins physiques ? Ou bien pour collecter des contacts qualifiés (leads) ? Chaque objectif appellera une approche, un message et des indicateurs de performance différents.
Ensuite, vient la question de la cible. Et c’est là que les choses se corsent. Trop souvent, on tombe dans des personas clichés. Jérôme Delande nous met en garde : « Assez grossièrement, on va toujours tomber un peu sur une cible un peu cliché qui est ‘tous mes clients sont des hommes et des femmes entre 25 et 49 ans et qui sont CSP+’. » Son conseil ? Toujours challenger ces cibles. Il faut aller plus loin, affiner la compréhension de ses clients, de leurs attentes, de leurs modes de consommation. C’est ce travail en amont qui donnera « beaucoup plus de performance à cette campagne ».
De la conception à l’envoi : comment créer une campagne emailing efficace ?
Maîtriser les bases est une chose, mais transformer ces concepts en un email qui sera ouvert, lu et cliqué en est une autre. Chaque élément, de la ligne d’objet au code HTML, joue un rôle déterminant dans le succès de votre démarche.
L’art de l’objet : votre première (et unique) chance de convaincre
On reproche souvent à l’email son côté « intrusif ». C’est une perception que Jérôme Delande réfute, et à juste titre. « Moi, je pense que non parce que de toute façon, j’ai demandé à recevoir cette information. C’est un consentement que j’ai donné. » La clé pour ne pas être perçu comme intrusif est donc de respecter ce consentement en offrant une expérience utilisateur irréprochable. Et cette expérience commence bien avant l’ouverture du message, avec l’objet.
L’objet est le premier contact avec l’internaute dans sa boîte de réception. C’est lui qui va déclencher, ou non, l’ouverture. Pour le rendre efficace, il faut capitaliser sur les informations dont on dispose. « On pourrait aborder l’objet avec une petite personnalisation qui paraît banale mais qui je pense fonctionne encore aujourd’hui, c’est un message personnalisé en utilisant justement le prénom de l’internaute qui crée une proximité avec la marque. » C’est un premier pas simple pour montrer que le message n’est pas une communication de masse impersonnelle.
Le message : transformer l’ouverture en action
Une fois l’email ouvert, le plus dur reste à faire : donner envie à l’internaute d’aller plus loin. C’est là qu’interviennent la promesse de l’offre et les éléments déclencheurs du clic. Le message doit être clair, pertinent et en adéquation avec ce que la cible attend. Mais la créativité ne fait pas tout. « L’email est devenu extrêmement technique », prévient Jérôme. Les fournisseurs d’accès à internet (FAI) ont durci leurs règles pour protéger leurs utilisateurs, ce qui impose une rigueur technique sans faille. Il faut « bien travailler aussi avec son routeur pour optimiser la délivrabilité », ce qui passe par un code propre et le respect des bonnes pratiques.
L’optimisation continue : la puissance du « Test and Learn »
Dans le digital, il n’y a pas de recette miracle. La première règle est donc de tester. Le « Test and Learn » est au cœur de l’optimisation email. Il faut « créer deux segments et de faire des tests sur les objets », puis « faire des tests sur les créas ». C’est en comparant les résultats de différentes versions que l’on peut identifier ce qui fonctionne le mieux auprès de son audience et améliorer continuellement ses performances.
Attention cependant à la sur-segmentation. Si segmenter sa base est une bonne pratique, il faut le faire intelligemment. « On est toujours sur le web, c’est quand même une échelle de volume et pour tirer des enseignements, il faut du volume. » Jérôme met en garde contre la « multiplicité de segments qui peuvent être demandés par les annonceurs » s’ils ne reposent pas sur des volumes suffisants pour être statistiquement pertinents.
Le retargeting : comment relancer intelligemment vos prospects ?
Une fois les premiers envois réalisés, la campagne n’est pas terminée. Il faut analyser le comportement des internautes pour mettre en place des actions de retargeting. Ce terme moderne recouvre des pratiques qui ont fait leurs preuves depuis longtemps. Comme l’explique Jérôme, « ce qu’on appelait les relances clicker, les relances ouvreur non clicker dans les années 2000 fonctionnent toujours ». Le principe est simple : envoyer un message de relance spécifique aux personnes qui ont ouvert l’email mais n’ont pas cliqué, ou à celles qui ont cliqué sur un lien précis. C’est une manière efficace de réengager une audience déjà intéressée.
L’emailing au-delà de la vente : dialogue, engagement et drive-to-store
Réduire l’emailing à un simple canal de vente serait une erreur. C’est un outil de dialogue extrêmement polyvalent qui peut servir des objectifs bien plus larges, de l’animation de communauté à la génération de trafic en point de vente physique.
Créer un dialogue avec les jeux-concours et les bons de réduction
L’emailing est un formidable outil pour les dispositifs d’engagement, comme les jeux-concours. Il permet de « confirmer la participation au jeu », mais aussi de « pousser des BR (bons de réduction) pour générer du CA pour l’annonceur ». C’est une façon de récompenser l’internaute pour son temps et pour la donnée qu’il a partagée, un concept que Jérôme nomme le « data wall ».
La stratégie de diffusion des bons de réduction doit être adaptée à votre réseau de distribution. « Si vous êtes propriétaire de votre propre réseau retail, à ce moment-là un BR unique. Et si vous souhaitez vite épuiser votre stock, il faut permettre aux internautes de partager avec leurs amis. Si vous êtes plutôt distribué, à ce moment-là, vous allez inciter la personne toujours par l’emailing à créer un BR unique via une plateforme dédiée. »
Confirmer le statut de premier levier drive-to-store
L’emailing est-il le premier levier pour amener un client en magasin ? Pour Jérôme Delande, la réponse est un « Tout à fait » catégorique. La force de l’email est qu’il permet de collecter des informations précieuses en amont. Si une démarche de géolocalisation est pensée dès la collecte de l’adresse, il devient possible d’envoyer des offres ultra-personnalisées. « Il faut demander ces informations en amont et elles vont permettre d’améliorer notre segment et de moi de plutôt me diriger sur un magasin parisien plutôt qu’un magasin à Orléans où j’aurais beaucoup plus de mal à me rendre. » L’emailing drive to store n’est donc pas un mythe, mais une stratégie concrète et efficace.
FAQ sur la création d’une campagne emailing
Quelle est la différence entre l’emailing d’acquisition et de fidélisation ?
L’emailing de fidélisation s’adresse à des personnes ayant accepté de recevoir des communications de votre marque (opt-in marque). L’emailing d’acquisition cible des internautes ayant accepté de recevoir des offres de la part des partenaires d’une marque (opt-in partenaire), permettant de toucher une nouvelle audience.
« Il y a d’une part la famille qu’on va nommer fidélisation. Donc l’internaute est opt-in marque […] Et puis de l’autre côté, on va plutôt parler de la famille de l’acquisition, e-mailing d’acquisition où là l’internaute lui est devenu opt-in partenaire. » – Jérôme Delande
Comment bien définir la cible d’une campagne emailing ?
Pour bien définir sa cible, il faut aller au-delà des critères socio-démographiques clichés (ex: femme, 25-49 ans, CSP+). Il est crucial de challenger ces personas en analysant finement les comportements, les attentes et les modes de consommation pour garantir la pertinence du message et la performance de la campagne.
« Moi, j’invite toujours que ça soit mes collaborateurs ou partenaires à challenger ces personna, ces cibles, et et vraiment, c’est pour donner bien sûr beaucoup plus de de de performance à cette campagne. » – Jérôme Delande
Pourquoi l’objet d’un email est-il si important ?
L’objet est le premier point de contact avec l’internaute dans sa boîte de réception. C’est l’élément qui va le convaincre, ou non, d’ouvrir votre message. Un objet bien travaillé, personnalisé et incitatif est donc déterminant pour le succès de toute la campagne.
« La première chose ça va être justement de de bien travailler le premier contact avec cet internaute et ce premier contact dans l’email, il est simple, on l’appelle l’objet. » – Jérôme Delande
Qu’est-ce que l’approche « Test and Learn » en email marketing ?
L’approche « Test and Learn » consiste à tester systématiquement différents éléments d’une campagne (comme l’objet ou le contenu créatif) sur des segments distincts de votre audience. L’analyse des résultats permet d’identifier les versions les plus performantes et d’optimiser continuellement sa stratégie.
« Les premières règles, c’est bien sûr […] de faire des tests. Donc le test and learn. Donc déjà de faire des tests, créer deux segments et de faire des tests sur les objets et puis ensuite faire des tests sur les créas. » – Jérôme Delande
Comment optimiser la délivrabilité de ses emails ?
Pour optimiser la délivrabilité, il faut respecter les règles techniques de plus en plus strictes des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Cela passe par un code HTML propre dans le corps du message et une collaboration étroite avec son partenaire routeur pour s’assurer que les emails arrivent bien en boîte de réception.
« Il faut bien suivre ces règles et bien travailler aussi avec son routeur pour optimiser la délivrabilité et ça ça passe aussi par justement le corps du message et les éléments que l’on utilise. » – Jérôme Delande
L’emailing est-il efficace pour générer du trafic en magasin (drive-to-store) ?
Oui, l’emailing est un levier drive-to-store très efficace. En collectant des informations de géolocalisation lors de l’inscription, il devient possible de segmenter sa base et d’envoyer des offres personnalisées qui incitent les internautes à se rendre dans le magasin le plus proche de chez eux.
« Si déjà c’est pensé en amont […] que ça soit par la personne qui met à disposition sa base emailing pour un annonceur ou pour l’annonceur qui serait déjà dans une dans une démarche justement de de store locator, de géolocalisation, effectivement, il faut demander ces informations en amont. » – Jérôme Delande
Qu’est-ce qu’une relance « ouvreur non clicker » ?
C’est une technique de retargeting qui consiste à envoyer un second email, souvent avec un angle différent, spécifiquement aux personnes qui ont ouvert la campagne initiale mais n’ont cliqué sur aucun lien. C’est une méthode qui a fait ses preuves pour réengager une audience déjà intéressée.
« Anciennement, on pourrait dire que ce qu’on appelait les relances clicker, les relances ouvreur non clicker dans les années 2000 fonctionnent toujours, c’est à mettre en place, c’est à prévoir. » – Jérôme Delande
Comment utiliser l’emailing pour un jeu-concours ?
L’emailing est central dans un dispositif de jeu-concours. Il sert à confirmer l’inscription du participant, à maintenir l’engagement pendant le jeu, et surtout à pousser des offres, comme des bons de réduction, pour récompenser la participation et générer du chiffre d’affaires.
« On l’utilise aussi au sein de dispositifs d’engagement, de jeux concours où là bah on va confirmer la participation au jeu, on va pouvoir aussi pousser des BR pour générer du CA. » – Jérôme Delande




