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#8 : Bannouze : L’attribution est-elle galvaudée ?

Épisode diffusé le 23 janvier 2019 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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L’attribution marketing : une définition claire pour commencer

Le sujet de l’attribution revient régulièrement dans les discussions entre annonceurs et fournisseurs de technologies. L’enjeu est de taille : comment analyser la performance de chaque levier dans des environnements technologiques de plus en plus complexes ? Pour y voir plus clair, nous avons reçu Emmanuel Brunet, CEO d’Eulerian, société technologique spécialisée dans la collecte de données marketing et l’attribution. Il nous aide à revenir aux bases pour comprendre si l’attribution permet vraiment de résoudre toutes les problématiques des annonceurs.

Alors, comment définir l’attribution ? Emmanuel Brunet nous livre sa vision : « En règle générale, on part du principe que l’attribution est en fait une méthode qui permet de définir la valeur ajoutée des différents leviers publicitaires et même supports ou campagnes, avec une finalité qui est d’associer un retour sur investissement à chaque euro investi en marketing digital. » C’est la définition de base, mais le sujet se corse rapidement lorsqu’on introduit une notion voisine : la contribution.

La différence cruciale : attribution vs. contribution

Confondre attribution et contribution est une erreur fréquente. Pourtant, la distinction est fondamentale pour comprendre la portée de chaque analyse. Emmanuel Brunet prend les devants pour clarifier ce point essentiel.

« La différence entre l’attribution et la contribution, c’est que l’attribution dans la majeure partie des cas […] va associer une conversion […] à un événement publicitaire qui peut être un clic, une impression. » Cette méthode repose sur une logique algorithmique « purement déterministe ». Par exemple, avec un modèle au dernier clic payant, l’outil analyse l’historique avant une vente et attribue 100% de la conversion au dernier clic payant rencontré. C’est une règle binaire : un événement est crédité, les autres ne le sont pas.

La contribution, elle, a un objectif plus complexe. « Elle a un objectif qui est déjà plus compliqué à atteindre et un peu plus diffus, qui est de dire que pour chaque événement commercial, on a un certain nombre d’événements publicitaires. Et on va essayer à travers la contribution […] d’aller donner une forme de pourcentage de contribution ou score de contribution à chacun des événements. » Ici, on quitte le déterminisme pour entrer dans des mécaniques statistiques. Le fameux modèle en U (U-Shape), qui est en réalité un modèle de contribution, applique une courbe de Gauss inversée pour surpondérer les premiers et derniers points de contact du parcours client.

Comprendre les principaux modèles d’attribution

Qu’il s’agisse de modèles attributifs ou contributifs, plusieurs logiques existent. Le plus connu est le dernier clic payant, qui ignore les sources gratuites comme le SEO pour attribuer la vente au dernier levier payant. On peut aussi inclure le post-view, où une simple impression publicitaire peut se voir attribuer la conversion si elle a lieu dans une fenêtre de temps définie.

Du côté de la contribution, le modèle en U donne plus de poids au premier contact (la découverte) et au dernier (la conversion), tandis que les points de contact intermédiaires reçoivent moins de crédit. D’autres modèles statistiques existent, comme la répartition linéaire (chaque point de contact reçoit le même poids) ou des modèles basés sur la position ou le temps.

Au-delà de la théorie : quel est le véritable objectif de l’attribution ?

Mettre en place un projet d’attribution ne doit pas être une fin en soi. Comme le souligne Emmanuel Brunet, « l’objectif, ce n’est pas de faire de l’attribution ou de la contribution pour satisfaire un plaisir ou un désir contemplatif. » L’objectif est de répondre à une question fondamentale : quelle est la rentabilité de mon investissement ?

Optimiser la ventilation des investissements publicitaires

Le but premier est d’aider les responsables d’acquisition et les agences à optimiser la ventilation de leurs budgets. Il s’agit de challenger les arbitrages publicitaires existants entre les différents leviers et opérations. En analysant la performance réelle de chaque canal, on peut prendre des décisions éclairées pour réallouer les budgets vers les leviers les plus performants et délaisser ceux qui ne contribuent pas réellement au chiffre d’affaires.

Cette démarche permet aussi de benchmarker de nouvelles opérations. « Est-ce que ce nouveau budget que j’investis a une vraie contribution et est-ce qu’il apporte un vrai retour sur investissement ou grosso modo est-ce que c’est de l’argent gaspillé ? » L’attribution fournit les données nécessaires pour répondre à cette question et justifier les dépenses marketing.

Challenger les idées reçues sur certains leviers

L’attribution marketing est un outil puissant pour démystifier la performance de certains leviers souvent sujets à débat. Emmanuel Brunet cite plusieurs exemples concrets :

  • Le retargeting : Pour évaluer son impact réel, on peut comparer un modèle d’attribution qui l’inclut avec un modèle qui l’exclut, notamment sur la partie post-view. Cela permet de voir si le retargeting génère des ventes incrémentales ou s’il se contente de « récupérer » des ventes qui auraient eu lieu de toute façon.
  • L’achat de marque (Brand Bidding) : C’est un grand classique. En comparant un modèle standard avec un modèle qui exclut les clics sur sa propre marque, on peut voir « quels sont les leviers qui ont été cannibalisalisés, s’il y avait d’autres leviers derrière et si le fait d’acheter la marque a une réelle contribution. »
  • Le couponing : L’analyse d’attribution permet de déterminer si les sites de coupons apportent de nouveaux clients ou s’ils sont simplement utilisés par des clients déjà convaincus pour obtenir une réduction, cannibalisant ainsi la marge.

Le mythe du modèle parfait : pourquoi une approche pragmatique est essentielle

La quête du « Saint Graal », le modèle d’attribution parfait et unique, est une impasse. Emmanuel Brunet insiste sur ce point : « Malheureusement, je pense que dans beaucoup de cas, c’est dogmatique. […] Moi je pense qu’à l’inverse, si on veut être capable de trouver les réponses à ces questions, il faut justement partir d’une approche qui est extrêmement pragmatique, très agnostique et avoir une logique très empirique. »

Une démarche itérative et humaine avant tout

Plutôt que de chercher une formule magique, la bonne démarche est celle d’un philosophe des Lumières : observer, tester, et itérer. « On commence par une règle toute simple, je regarde, je constate, je mets une deuxième règle. » Un annonceur peut commencer avec son modèle historique (souvent le dernier clic payant), puis ajouter progressivement des règles pour répondre à des questions précises : déprioriser l’achat de marque, analyser l’impact des clics en cours de session, etc.

Cette approche progressive permet de construire une compréhension fine des interactions entre les leviers. « Dans un bon projet, il faut un être humain qui se pose des questions et qui a envie de comprendre comment ses campagnes interagissent avec ses consommateurs et ensuite on va passer à de l’algorithmique. » L’outil est au service de l’analyse humaine, et non l’inverse.

Pourquoi l’attribution simple est un passage obligé avant la contribution

Alors, pourquoi ne pas sauter directement à un modèle de contribution, qui semble intellectuellement plus satisfaisant puisqu’il reconnaît l’influence de multiples points de contact ? Emmanuel Brunet met en garde contre cette approche : « Moi je te promets, je te parie tout ce que tu veux que si tu démarres […] sans avoir eu des premières démarches à la fois attributives pour comprendre le rang d’action de tes différents leviers, comprendre comment ils se cannibalisent entre eux […] tu vas définir un modèle contributif qui va t’amener dans le mur. »

Construire son propre modèle contributif nécessite de définir de nombreuses variables : la distribution statistique, les événements à récompenser (vente, mise au panier, première visite…), etc. Sans une compréhension préalable acquise grâce à des modèles d’attribution plus simples et à l’analyse du customer journey, les choix faits seront arbitraires et les résultats potentiellement trompeurs. L’attribution est donc une étape pédagogique, un passage obligé pour acquérir les insights nécessaires à une bonne finalité.

Les défis techniques actuels : l’attribution est-elle galvaudée ?

La difficulté à déposer des cookies, les ad-blockers, le tracking cross-device… Face à ces obstacles, la question se pose : l’attribution n’est-elle pas devenue une discipline dépassée, « galvaudée » ? La réponse d’Emmanuel Brunet est nuancée : non, mais il faut comprendre les biais.

Cookies first-party vs third-party : tout n’est pas à jeter

Il est crucial de distinguer les types de cookies. Les cookies tiers, déposés par des domaines autres que celui visité par l’internaute, sont effectivement en voie de disparition et bloqués par de nombreux navigateurs. Cependant, les solutions d’attribution modernes travaillent principalement avec des cookies première partie (first-party), liés au nom de domaine de l’annonceur. « Quand on travaille sur des cookies première partie, on a déjà la chance de pouvoir assez librement lire, écrire nos cookies et éviter la majeure partie des blocages sur le site de l’annonceur. »

La principale faiblesse se situe sur le tracking des impressions publicitaires (post-impression ou post-view), qui repose souvent sur des contextes tiers. Mais pour le suivi des clics et de la navigation sur le site de l’annonceur, le cookie first-party reste très efficace.

Comprendre les biais du tracking cross-device

Le suivi d’un utilisateur sur ses différents appareils (mobile, ordinateur, tablette) est un autre défi majeur. La méthode la plus fiable est déterministe : elle se base sur un identifiant pivot unique, comme une adresse e-mail récupérée lors d’une connexion (login). « On va avoir des taux de cross-device qui vont être extrêmement élevés et on va avoir une attribution pertinente sur ces gens-là. »

Là où la faiblesse apparaît, c’est sur les nouveaux prospects, ceux qui ne se sont jamais identifiés. « Quelqu’un qui devient client pour la première fois sur un desktop tout en ayant visité le site sur un mobile […], oui, effectivement il y a de fortes chances que les événements publicitaires qui ont eu lieu via le terminal mobile ne soient pas pris en compte. » L’important n’est pas de nier ce biais, mais de l’identifier. Il faut « savoir sur quelle cible et sur quelle partie du portefeuille client/prospect les biais sont principalement exprimés, de manière à être capable aussi de le prendre en compte […] quand on lit un rapport d’attribution. »

5 conseils d’expert pour réussir son projet d’attribution marketing

Pour conclure, Emmanuel Brunet partage cinq conseils clés pour tout annonceur souhaitant se lancer ou optimiser sa démarche d’attribution.

  1. Valider la qualité et l’exhaustivité de la donnée : « Il n’y a pas de bon projet d’attribution sans démarche de validation de la qualité de la donnée. » C’est le point fondamental. Il faut s’assurer que le plan de taggage est complet sur tous les supports (site, app, version mobile…) et que les données collectées sont fiables.
  2. Garder un mètre étalon : Au lieu de tout jeter, il est sage de conserver le modèle d’attribution historique (ex: dernier clic) comme référence. Cela permet de mesurer les écarts et de suivre les évolutions de performance dans un contexte comparable à celui que l’entreprise a toujours connu.
  3. Ne pas brûler les étapes : « Il faut avoir une vraie démarche de construire la compréhension du cycle de ses consommateurs. » L’objectif est de comprendre un comportement humain. Il faut donc progresser de manière itérative : commencer par l’attribution simple, tester plusieurs modèles, puis seulement ensuite envisager la contribution.
  4. Partir avec des questions concrètes : Un projet d’attribution ne doit pas être un projet de R&D sans fin. Il faut démarrer avec une liste de questions précises et d’objectifs quantifiés. Par exemple : « Est-ce que je dois couper ou pas tel ou tel investissement ? » Obtenir des succès rapides sur des questions simples donne de la confiance et prouve la valeur du projet.
  5. Intégrer les données utilisateurs : « Ne pas raisonner uniquement sur une logique de pure source de trafic mais vraiment d’intégrer des données utilisateurs dans l’attribution. » Il est fondamental de segmenter les rapports par profil (nouveaux clients vs clients fidèles, hommes vs femmes, etc.). On ne peut pas tirer de conclusions valables en comparant des « choux et des carottes ».

En somme, l’attribution marketing est loin d’être galvaudée. C’est une démarche exigeante, plus humaine que purement technologique, qui demande de la rigueur, de la curiosité et une approche itérative. Bien menée, elle reste l’un des outils les plus puissants pour comprendre la relation entre une marque et ses clients, et pour optimiser chaque euro investi dans sa croissance.

FAQ sur l’attribution marketing

Quelle est la différence fondamentale entre l’attribution et la contribution ?

L’attribution vise à associer 100% d’une conversion à un seul événement publicitaire selon une règle déterministe (ex: le dernier clic). La contribution, elle, utilise un modèle statistique pour répartir le mérite de la conversion entre plusieurs points de contact qui ont précédé l’achat.

« Dans le cadre de l’attribution, on va avoir un événement qui est une vente qui va être associé à un événement publicitaire […]. La contribution, elle, […] va essayer […] d’aller donner une forme de pourcentage de contribution ou score de contribution à chacun des événements. » – Emmanuel Brunet

Pourquoi ne faut-il pas passer directement à un modèle de contribution complexe ?

Parce que sans une compréhension préalable des interactions basiques entre les leviers, acquise via des modèles d’attribution simples, la construction d’un modèle contributif sera basée sur des hypothèses fragiles et risque de mener à de mauvaises décisions. C’est une étape pédagogique indispensable.

« Si tu fais pas ce travail-là intellectuel de compréhension, moi je te dis que tu vas définir un modèle contributif qui va t’amener dans le mur et qui va te sortir un truc qui sera très très loin de ta réalité. » – Emmanuel Brunet

L’attribution marketing est-elle encore fiable avec les limites des cookies ?

Oui, car les solutions d’attribution modernes s’appuient principalement sur les cookies first-party (liés au site de l’annonceur), qui sont beaucoup moins affectés par les blocages que les cookies tiers. La principale limite concerne le tracking des impressions publicitaires (post-view), mais le suivi des clics reste robuste.

« Quand on travaille sur des cookies première partie, on a déjà la chance de pouvoir assez librement lire, écrire nos cookies et éviter la majeure partie des blocages sur le site de l’annonceur. » – Emmanuel Brunet

Comment le cross-device impacte-t-il la précision de l’attribution ?

Le cross-device crée un biais, principalement sur les prospects et les nouveaux clients qui ne se sont pas encore identifiés sur plusieurs appareils. Pour les clients connus et logués, le suivi déterministe est très fiable. Il est donc crucial d’être conscient de ce biais et de l’interpréter correctement lors de l’analyse des rapports.

« Là où on a plus de faiblesse, c’est à l’autre bout du portefeuille client prospect, c’est des gens qui sont qui visitent quasiment jamais le site et qui d’un seul coup deviennent clients. Et là oui, effectivement sur le cross-device, on a une marge d’erreur. » – Emmanuel Brunet

Faut-il avoir un gros budget pour se lancer dans l’attribution marketing ?

Idéalement, non. L’intérêt de l’attribution existe dès les premiers euros dépensés en publicité pour mettre sa stratégie sur les bons rails. Cependant, le coût des technologies et des compétences humaines nécessaires peut constituer un frein à l’entrée pour les très petites structures.

« Du jour où tu commences à dépenser 300 €, tu commencerais à faire de l’attribution pour mettre ta stratégie sur les bons rails et identifier les biais de ce que tu fais, tu gagnerais beaucoup de temps. Donc en fait, tu as intérêt à le faire tout de suite. » – Emmanuel Brunet

Quel est le point de départ indispensable pour un projet d’attribution réussi ?

Le point de départ absolu est la validation de la qualité et de l’exhaustivité de la collecte de données. Un plan de taggage incomplet ou défaillant rendra toutes les analyses ultérieures caduques. C’est le socle sur lequel tout le projet repose.

« Je pense que le premier point, c’est de vérifier qu’on a un bon taggage, que tout est tagué. […] C’est un point fondamental parce qu’on peut avoir les plus beaux dashboards de la planète si la donnée qui sert à les alimenter ne marche pas, c’est clairement un problème. » – Emmanuel Brunet

Pourquoi est-il crucial d’intégrer les profils utilisateurs dans l’analyse d’attribution ?

Analyser les performances de manière globale, sans segmenter par type d’utilisateur, revient à mélanger des comportements très différents et à tirer des conclusions erronées. Un client fidèle n’interagit pas avec la publicité de la même manière qu’un nouveau prospect.

« Au final, on on finit par comparer des choux et des carottes. Et et je pense que le le conseil global, c’est que tout est dans le détail. » – Emmanuel Brunet

Un modèle d’attribution doit-il être agnostique ou dogmatique ?

Il doit être agnostique et pragmatique. S’enfermer dans un seul modèle dogmatique empêche de répondre aux différentes questions business. La bonne approche consiste à utiliser et comparer plusieurs modèles pour éclairer différentes facettes de la performance marketing de manière empirique.

« Je pense que dans beaucoup de cas c’est dogmatique […]. Moi je pense qu’à l’inverse, si on veut être capable de trouver les réponses à ces questions, il faut justement partir d’une approche qui est extrêmement pragmatique, très agnostique. » – Emmanuel Brunet


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