Logo de l'épisode #11 Rencontre avec Benoit Rey Head of Product - Qobuz du podcast Bannouze : Le podcast du marketing digital !

#11 Rencontre avec Benoit Rey Head of Product – Qobuz

Épisode diffusé le 3 mars 2019 par Bannouze : Le podcast du marketing digital !

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Qu’est-ce qu’un product manager ? Les coulisses d’un métier clé du digital avec Benoit Rey

Au cœur de toute entreprise digitale qui réussit se trouve un rôle souvent méconnu mais absolument fondamental : celui du product manager. Véritable chef d’orchestre, il se situe à la jonction de la stratégie business, des contraintes techniques et des attentes des utilisateurs. Mais que fait-il concrètement ? Quelles compétences sont nécessaires pour exceller dans cette fonction ? Faut-il obligatoirement savoir coder ? Pour démystifier ce métier, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Benoit Rey, Head of Product chez Qobuz, le service de streaming musical pour audiophiles. Fort d’un parcours d’ingénieur passé par New York et de 10 ans d’expérience en gestion de produit, il nous livre sa vision et ses secrets.

Benoit Rey se présente : « Je suis Benoît Rey, j’ai 42 ans, je suis de formation ingénieur et j’ai été développeur. […] Je suis passé product manager, ça fait maintenant à peu près 10 ans. […] Je suis maintenant Head of Product chez Qobuz ». Son expérience, de développeur à manager, lui confère une perspective unique sur ce rôle aux multiples facettes.

Définir le rôle de product manager : le chef d’orchestre du digital

Lorsqu’on lui demande de définir son métier, Benoit Rey va droit au but. Il s’agit d’une fonction charnière, un véritable pivot au sein de l’organisation. Loin d’être un simple gestionnaire de projet, le PM est celui qui donne vie à la vision de l’entreprise.

Le pont entre la vision business et la réalité technique

La première mission du product manager est de faire le lien entre deux mondes qui ont parfois du mal à se comprendre : le business et la technique. Comme l’explique Benoit, « le métier de product manager, c’est le rôle de la personne qui est à la jointure entre le business et les développeurs dans une société digitale. »

Concrètement, cela signifie qu’il doit « comprendre la vision business, donc le business modèle de la société, et traduire cette vision en réalité, c’est-à-dire de traduire ça en fonctionnalité réelle qui vont être dans le produit. » Le PM est donc celui qui explique aux équipes de développement ce qu’il faut construire, et surtout pourquoi. Il doit justifier chaque choix en le rattachant à la stratégie globale : « expliquer aux développeurs qu’il faut plutôt développer ceci que cela parce que c’est conforme à la vision et c’est ce que les clients vont réclamer. »

Plus qu’un arbitre, un traducteur empathique

Ce positionnement central confère au PM un « rôle d’arbitre plus ou moins entre le business et les développeurs ». Mais pour que cet arbitrage soit efficace, une compétence humaine est primordiale : l’empathie. Il ne suffit pas de trancher, il faut comprendre et traduire les problématiques de chacun.

Benoit insiste sur cette nécessité d’avoir une vision ultra transversale : « Tu dois développer un sens de l’empathie très fort. Tu dois traduire les problèmes de la technique envers le business et inversement, traduire les problèmes du business à la technique. » C’est cette capacité à se mettre à la place des autres qui fait la force d’un bon PM. Il est impensable d’adopter une attitude cloisonnée : « On ne peut pas se permettre de dire ‘non, moi le marketing ça m’intéresse pas, c’est nul’ ou ‘les commerciaux ils me gonflent, j’ai pas envie de leur parler’ ou encore pire ‘les développeurs ils comprennent rien au business, je vais pas perdre du temps à leur expliquer’. » Le product manager est la « roue qui fait fonctionner tous les métiers ensemble ».

Les compétences clés et la crédibilité technique d’un bon PM

Pour occuper cette position de pivot, un ensemble de compétences spécifiques est requis. L’une des questions les plus récurrentes est celle du bagage technique. Faut-il avoir été développeur pour réussir ?

Faut-il être un ancien développeur pour être un bon product manager ?

La réponse de Benoit est nuancée. Bien que son propre parcours d’ingénieur-développeur soit un atout, il ne considère pas cela comme un prérequis absolu. « Je dirais non, parce que j’ai connu beaucoup de PM qui n’étaient pas développeurs et dans mon équipe la plupart ne sont pas développeurs et ils y arrivent très bien. »

Cependant, il admet que c’est un avantage indéniable : « Oui, c’est un plus d’être développeur parce que tu as cette crédibilité, tu arrives à voir des trucs des fois en même temps que le développeur. » Cette compréhension fine peut permettre de déceler certaines incohérences ou d’évaluer plus justement les estimations de charge. C’est ce moment où, avec tact, on peut dire à un développeur : « là, me raconte pas des craques […] ça, tu vas pas mettre un mois pour faire ça. » Mais Benoit met en garde : « il faut faire gaffe avec ça parce que tu peux vite énerver les gens. »

La crédibilité : comprendre les impacts sans nécessairement coder

L’essentiel n’est donc pas de savoir coder, mais d’être crédible. « Il faut réussir à être crédible auprès des développeurs. » Cela passe par une bonne compréhension des enjeux et des contraintes techniques. « Il faut avoir une bonne compréhension des impacts techniques de ce qu’on leur demande. »

Benoit utilise une image très parlante pour illustrer ce point : « si tu leur demandes de créer une fusée avec deux pneus et une planche, ils y arriveront pas. » Le rôle du PM est de s’assurer que les demandes sont réalistes au regard des moyens et du temps disponibles. Il s’agit de trouver les bons compromis pour atteindre les objectifs « coûte que coûte », en décidant par exemple de « raboter telle fonctionnalité plutôt que celle-là et en faisant les bons choix. » En résumé, « si tu es curieux et que tu comprends la complexité d’une base de données, d’un service, d’une API, il n’y a pas besoin d’être développeur pour être PM. »

De la stratégie à l’exécution : la roadmap produit et les outils du quotidien

Le travail du product manager se matérialise principalement par un livrable stratégique : la roadmap produit. C’est le document qui planifie l’évolution du produit sur le moyen et long terme.

La roadmap : l’art de choisir et de prioriser

La direction attend d’un Head of Product qu’il génère une roadmap produit, ou feuille de route. Ce n’est pas une simple liste de fonctionnalités. Comme le précise Benoit, elle doit répondre à deux questions fondamentales : « quelles fonctionnalités choisir et dans quel ordre. »

Le processus de création de cette feuille de route est un exercice intellectuel intense. Il faut « se prendre pas mal la tête et passer son temps à faire des choix. » C’est un travail de négociation permanente, d’un côté avec le business, de l’autre avec la technique. L’objectif est de maximiser la valeur apportée au client à chaque étape, tout en gardant le cap sur la vision finale. C’est un « arbitrage permanent qui doit être fait », où l’on décide constamment : « ça on abandonne, ça on va insister, ça on va faire une V2 parce que ça marche bien, ça on laisse tomber. »

Les outils indispensables pour un pilotage efficace

Pour mener à bien ces missions, le PM s’appuie sur une panoplie d’outils. Benoit Rey liste ses essentiels :

  • Jira : « Les outils classiques qui sont Jira qui est maintenant très répandu. » C’est l’outil de référence pour la gestion des tâches et le suivi du développement.
  • Confluence : « Confluence pour documenter toutes les fonctionnalités, les spécifications, les use case, les choses comme ça. » Il sert de base de connaissances et de référentiel pour le produit.
  • PowerPoint : « PowerPoint qui reste un très bon ami pour faire des présentations de vulgarisation pour expliquer à toute l’entreprise ou à la direction les projets. »
  • Outils de BI (Business Intelligence) : Pour « essayer de comprendre comment les gens utilisent le produit pour avoir des nouvelles idées et améliorer. » L’analyse de données est cruciale pour prendre des décisions éclairées.
  • Slack et l’email : « Les classiques » pour la communication quotidienne.

Manager une équipe produit : la journée type d’un head of product

En tant que Head of Product, le rôle de Benoit Rey inclut une dimension managériale importante. Il doit non seulement définir la stratégie, mais aussi coordonner les équipes qui la mettent en œuvre.

Structurer l’équipe pour une cohérence maximale

Chez Qobuz, l’équipe produit est organisée en plusieurs pôles :

  1. L’équipe web et outils internes : Elle gère le site web et les outils utilisés en interne pour administrer le contenu (musique, éditorial, playlists).
  2. L’équipe applications : Elle est en charge des applications mobiles (iOS, Android), des applications de bureau et du player web.
  3. Un pôle UX (User Experience) : Ce pôle transversal « doit s’assurer qu’il y a une cohérence à travers tous les assets que ça soit web et applicatif pour que partout où tu sois chez Qobuz tu te retrouves toujours dans un univers cohérent. »

Le rôle de Benoit est de « coordonner tout ça pour qu’on répartisse bien les projets avec les développeurs qu’on doit se partager finalement avec toute l’équipe produit. »

Jongler entre le court, le moyen et le long terme

La journée type d’un Head of Product est extrêmement variée et marquée par le multitasking. « Les journées sont très variées, ça peut être beaucoup de temps passé avec les développeurs comme autant de temps passé chez un partenaire pour un deal potentiel ou avec la direction pour définir le budget. »

Il faut constamment naviguer entre différents horizons temporels. Benoit décrit cette gymnastique intellectuelle : « Il faut essayer de trouver du temps des fois pour s’isoler, s’enfermer pour essayer de réfléchir un peu plus à pas être la tête dans le guidon. […] C’est des séquences qu’il faut essayer de faire pour faire avancer le court terme (typique il y a un bug en prod), le moyen terme (les projets en cours) et le très long terme (est-ce que la vision elle tient la route par rapport à la compétition). Il faut faire cohabiter les trois temps. »

L’équilibre délicat entre management et micro-management

Manager une équipe signifie aussi savoir déléguer. C’est un défi pour tout manager qui reste passionné par l’opérationnel. « C’est tout le problème du management où il faut faire grandir ton équipe et leur donner les mains libres, mais tu as toujours un petit peu envie de faire du micro-management de temps en temps. »

Pour Benoit, la solution n’est pas de tout contrôler, mais de faire des contrôles ciblés pour s’assurer de l’alignement global. « Tu fais des fois un peu le flic, c’est-à-dire tu dis ‘OK, on va voir cette fonctionnalité là, ce tout petit bout du truc’, tu regardes pour vérifier que c’est bien conforme à la grande vision que toi tu as. » La meilleure méthode reste la communication : « rabâcher pas mal les grandes lignes de la vision stratégique parce que des fois les gens ont tendance à l’oublier. »

Conseils de carrière : comment devenir product manager ?

Pour ceux qui aspirent à embrasser cette carrière, Benoit Rey partage quelques conseils précieux. Le métier de product manager est une « conjonction de compétences » qui rend le parcours d’accès moins linéaire que pour d’autres professions.

La voie royale : ingénieur avec une appétence business

S’il devait recommander un parcours, ce serait celui de l’ingénieur qui s’ouvre au monde du business. « Un ingénieur qui s’intéresse au business, finalement je pense que c’est ce qu’il y a de mieux pour être PM, c’est la voie royale. » Pourquoi ? « Au moins tu as toujours une forme de respect naturel des développeurs par rapport à ça. »

Cependant, il souligne un défaut souvent observé chez les profils techniques en France : le manque de sensibilité commerciale. « C’est le défaut des Français de pas penser assez business. On est capable de concevoir de très beaux produits mais pas nécessairement de les vendre. » Le PM est justement là pour combler ce vide, pour penser au déploiement, au marketing, à la stratégie de mise sur le marché. C’est pourquoi les profils issus d’écoles de commerce peuvent également devenir d’excellents PM, à condition de développer leur curiosité et leur compréhension technique.

FAQ sur le métier de product manager

Qu’est-ce qu’un product manager exactement ?

Un product manager est la personne qui, dans une entreprise digitale, fait le lien entre la vision business et les équipes de développement. Son rôle est de définir quelles fonctionnalités développer, dans quel ordre (la roadmap), et de s’assurer que le produit final répond aux objectifs de l’entreprise et aux besoins des clients.

« Le métier de product manager, c’est le rôle de la personne qui est à la jointure entre le business et les développeurs dans une société digitale. » – Benoit Rey

Quel est le rôle principal d’un Head of Product ?

Le Head of Product a un rôle stratégique et managérial. Il est responsable de la vision produit globale, de la création et du maintien de la roadmap, et de la coordination de l’ensemble de l’équipe produit (product managers, UX designers, etc.) pour garantir la cohérence et l’atteinte des objectifs business.

« Ce que la direction en général attend d’un head of product, c’est de générer ce qu’on appelle une road map qui est donc une feuille de route qui dit pour réussir nos objectifs, il faut développer ces fonctionnalités et dans cet ordre-là. » – Benoit Rey

Faut-il avoir été développeur pour devenir un bon product manager ?

Non, ce n’est pas obligatoire. Cependant, avoir une formation technique ou une expérience en développement est un atout majeur pour gagner en crédibilité auprès des équipes techniques et pour mieux comprendre les impacts et la complexité des demandes. La curiosité et une bonne compréhension des concepts techniques sont suffisantes.

« Je dirais non parce que j’ai connu beaucoup de PM qui n’étaient pas développeurs […] mais oui, c’est un plus d’être développeur parce que tu as cette crédibilité. » – Benoit Rey

Quels sont les outils indispensables du product manager au quotidien ?

Les outils les plus courants sont Jira pour la gestion des tâches de développement, Confluence pour la documentation et les spécifications, PowerPoint pour les présentations stratégiques, des outils de BI pour analyser l’usage du produit, ainsi que Slack et les emails pour la communication.

« Il y a les outils classiques qui sont Jira qui est maintenant très répandu et Confluence pour documenter toutes les fonctionnalités […] Après il y a PowerPoint […] et après il y a les outils d’analyse de de BI. » – Benoit Rey

Comment un product manager fait-il le lien entre le business et la technique ?

Il agit comme un traducteur empathique. Il doit comprendre les objectifs business et les traduire en fonctionnalités claires pour les développeurs. Inversement, il doit expliquer les contraintes techniques et leurs implications au business, afin de trouver les meilleurs compromis possibles.

« Tu dois traduire les problèmes de la technique envers le business et inversement traduire les problèmes du business à la technique et tu dois être vraiment la roue qui fait fonctionner tous les métiers ensemble. » – Benoit Rey

En quoi consiste la création d’une roadmap produit ?

Créer une roadmap produit consiste à sélectionner les fonctionnalités à développer et à les prioriser dans le temps. C’est un exercice stratégique d’arbitrage permanent, basé sur la vision de l’entreprise, les besoins des utilisateurs, les contraintes techniques et les opportunités de marché, pour apporter un maximum de valeur de manière incrémentale.

« C’est de se prendre pas mal la tête et de passer son temps à faire des choix, à renégocier d’un côté avec le business, de l’autre côté avec la technique pour dire ça on abandonne, ça on va insister… » – Benoit Rey

Quelles compétences sont essentielles pour réussir en tant que product manager ?

Les compétences clés sont une vision transversale de l’entreprise, une forte empathie, d’excellentes capacités de communication et de négociation, une bonne compréhension des enjeux business et techniques, et une grande capacité à prendre des décisions et à faire des arbitrages.

« Tu dois développer un sens de l’empathie très fort […] il faut avoir une vraie appétence commerciale, technique et cetera. » – Benoit Rey

Quel parcours pour devenir product manager ?

Il n’y a pas de parcours unique, mais une formation d’ingénieur complétée par une forte appétence pour le business est une voie très efficace. Les profils issus d’écoles de commerce peuvent aussi réussir, à condition de développer une solide culture technique et une curiosité pour le produit.

« Un ingénieur qui s’intéresse au business, finalement je pense que c’est ce qu’il y a de mieux pour être PM, c’est la voie royale. » – Benoit Rey


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