Le tracking : la pierre angulaire de votre performance digitale
Le tracking est un sujet essentiel, et pourtant, il est trop souvent mis de côté par les annonceurs ou même les agences, souvent par manque de connaissance. C’est un élément indispensable du marketing digital qui influence directement la performance et la compréhension de cette dernière. Mais pourquoi est-ce si crucial d’avoir un site correctement traqué ? Comment s’y prendre sans se perdre dans la technique ?
Pour répondre à ces questions, nous avons échangé avec Romain Trublard, consultant expert en tracking et data analytics. Passé de la grande distribution au marketing digital par passion, il a rapidement pris en main les aspects tracking, analytique et data au sein d’une agence avant de se lancer à son compte. Comme il le souligne, « je voyais qu’il y avait un vrai besoin et c’est un sujet qui est trop souvent négligé ».
Pourquoi un bon plan de tracking est-il indispensable à votre site web ?
La règle d’or du marketing digital est simple : « on ne peut pas optimiser ce qu’on ne peut pas mesurer ». C’est le point de départ de toute réflexion sur le tracking. Selon Romain Trublard, l’importance d’un bon suivi de données se divise en deux pans majeurs qui sont interdépendants pour la croissance d’une entreprise en ligne.
Le premier concerne l’expérience sur le site lui-même. Mettre en place un plan de tracking permet de comprendre le comportement des utilisateurs. « On va pouvoir optimiser le design du site, on va pouvoir optimiser l’expérience technique même utilisateur, les temps de chargement, on va pouvoir voir s’il y a des blocages à certains endroits. » C’est donc un levier fondamental pour le CRO (Conversion Rate Optimization) et l’amélioration de l’UX (User Experience).
Le second pan est directement lié à la performance business et à l’acquisition de trafic. Que vous fassiez de la publicité payante ou non, il est vital de « mesurer d’où viennent nos utilisateurs ». Pour les campagnes payantes, l’enjeu est encore plus grand : « ça va être de pouvoir mesurer la performance, ce qu’on investit, combien on récupère réellement ». Au-delà de la simple mesure du ROI, ces données sont cruciales pour les algorithmes des plateformes publicitaires. En leur renvoyant des informations de conversion précises, « on va aussi pouvoir améliorer le ciblage ». Un bon tracking alimente donc une boucle vertueuse : meilleures données, meilleur ciblage, meilleures performances, et ainsi de suite.
Comment élaborer un plan de tracking efficace de A à Z ?
Mettre en place un tracking ne consiste pas à installer des bouts de code au hasard. C’est une démarche structurée qui, si elle est bien menée, garantit la pérennité et la fiabilité de la collecte de données. Romain Trublard nous détaille sa méthodologie, qui commence bien avant d’ouvrir le moindre outil technique.
La phase de planification : la clé d’un tracking réussi
La première erreur est de vouloir se jeter directement dans l’opérationnel. « La première chose à faire, ça se fait pas avec les outils. Ça se fait avec un tableau Excel ou une feuille blanche », insiste Romain. Avant toute chose, il faut se poser la question fondamentale : « qu’est-ce qu’on veut mesurer sur un site ? ». Cette réflexion stratégique est souvent négligée, alors qu’elle est le socle de tout le projet.
Cette démarche est directement liée aux objectifs globaux de l’entreprise. « Ça revient un petit peu aux OKR d’une entreprise hein. C’est quels sont les objectifs, quelle est la North star métrique et à partir de là quels sont les KPIs essentiels à faire remonter pour justement pouvoir infiner atteindre les objectifs. » Sans cette phase de planification, le risque est de se retrouver avec une multitude de données inutiles ou, pire, de passer à côté des indicateurs qui comptent vraiment.
Les méthodes d’implémentation : du pixel en dur au Tag Management System (TMS)
Une fois le plan de taggage défini, plusieurs options existent pour l’implémenter techniquement. On peut choisir de placer les pixels « en dur » directement sur le site, ou d’utiliser des plugins via un CMS comme WordPress. Cependant, Romain recommande une troisième approche : l’utilisation d’un TMS (Tag Management System), dont le plus connu est Google Tag Manager.
L’avantage principal d’un TMS est la centralisation. Romain utilise une analogie très parlante : « si on va mettre des vêtements dans sa salle de bain, dans sa chambre, dans la cuisine, on va jamais s’y retrouver. Si on met tout dans l’armoire, déjà c’est plus rangé et puis au moins on sait où chaque pièce est. » Un TMS comme GTM agit comme cette armoire : il centralise tous les tags, apporte de la transparence, permet de mieux organiser le tracking et de le rendre plus pérenne. De plus, ces outils intègrent souvent des fonctionnalités de test, une étape cruciale trop souvent oubliée. « Il est important la dernière phase, c’est vraiment de tester le tracking parce que je vois souvent des implémentations de tracking qui sont qui sont plus fonctionnelles. »
Le tracking : un département, pas un projet ponctuel
Une autre idée reçue est de considérer le tracking comme un projet « one shot ». C’est une erreur fondamentale. « J’entendais à une conférence l’autre jour, le tracking c’est pas un projet, c’est un département. Et c’est un peu ça », rapporte Romain. Le tracking est un organisme vivant qui évolue avec le site et la stratégie de l’entreprise.
Sa mise en place implique souvent plusieurs équipes : les développeurs pour déployer un data layer, le marketing pour donner les accès aux outils, etc. C’est un véritable travail de chef de projet. Et une fois en place, le travail continue. « J’ai de plus en plus de personnes qui veulent un accompagnement mensuel parce que il y a toujours quelque chose en plus à traquer, on veut aussi s’assurer que tout fonctionne. » Quand des milliers d’euros sont dépensés en publicité, s’assurer de la fiabilité du suivi n’est pas une option, c’est une nécessité.
La fin des cookies tiers : quel impact réel sur votre tracking ?
Le paysage du tracking est en pleine mutation, notamment avec la disparition annoncée des cookies tiers et les restrictions imposées par les navigateurs comme Safari (ITP) ou Firefox. Comment cela impacte-t-il concrètement le métier et quelles sont les solutions ?
Comprendre la menace : Ad Blockers, ITP et cookies tiers
Le blocage des cookies tiers par les navigateurs impacte directement les plateformes publicitaires comme Facebook ou Google, qui doivent adapter leurs technologies. Mais la vraie révolution pour les annonceurs est de comprendre la différence entre cookie tiers et cookie first-party. C’est le cookie tiers qui est voué à disparaître, mais « le cookie first party pour le moment il va continuer à exister ».
Le défi est que même les cookies first-party sont désormais limités par certains navigateurs. Romain explique : « un cookie sur Safari qui quand il est tiers, il est bloqué. […] Quand il est first party, il est supprimé au bout d’un jour quand il vient d’un site payant et il est supprimé au bout de 7 jours quand il vient de l’organique. » Cette durée de vie très courte empêche un suivi correct des parcours clients sur le long terme.
La solution : le tracking server-side pour un contexte first-party
Face à ces restrictions, une solution technique émerge et devient la nouvelle norme : le tracking server-side. « On met en place des solutions comme du tracking serveur side, qui va permettre de venir configurer un domaine de tracking où on va poser le cookie depuis notre propre domaine. » En d’autres termes, au lieu que le cookie soit déposé par un domaine externe (ex: facebook.com), il est déposé par un sous-domaine de l’annonceur (ex: tracking.monsite.com). Le navigateur le considère alors comme un vrai cookie first-party et non comme un cookie déguisé.
L’avantage est considérable : « En réécrivant les cookies via le server side, on peut venir étendre la durée de vie d’un cookie et donc la ramener à 13 mois qui est la conformité RGPD. » Au-delà de cet avantage, le tracking server-side, qui est la spécialité de Romain, offre une meilleure gouvernance des données (on contrôle ce qui est envoyé aux plateformes), améliore les performances web et ouvre de nouvelles possibilités comme l’enrichissement de données via un CRM ou l’import de données hors ligne.
Quels outils utiliser pour votre stratégie de tracking ?
Le marché des outils de tracking est vaste, mais quelques solutions se démarquent par leur popularité et leur efficacité.
Google Tag Manager : le leader incontesté des TMS
« Bien évidemment, on a Google Tag Manager sur la partie TMS, c’est le TMS le plus utilisé de très très loin. » Sa force réside dans son immense communauté, la quantité de ressources disponibles et sa gratuité, qui en font la solution avec la barrière à l’entrée la plus faible. Il est important de noter que « Google Tag Manager n’est pas directement lié à Google Analytics ». On peut parfaitement utiliser GTM pour envoyer des données de conversion uniquement à Facebook, sans jamais utiliser un autre outil Google.
Les alternatives et le potentiel du serveur-side
D’autres solutions TMS existent, comme Tealium ou Tag Commander, qui sont souvent plus orientées vers une approche CDP (Customer Data Platform) et intègrent nativement le tracking server-side. Google propose également sa propre solution, Google Tag Manager Server-side. Cet outil agit comme un véritable hub de données. « On va pouvoir centraliser les données et puis envoyer aux différents points de contact », explique Romain. C’est une évolution majeure qui transforme le tracking d’une simple collecte de données à une gestion centralisée des flux d’informations.
Google Analytics et la CNIL : comment rester dans la légalité ?
Le sujet est brûlant depuis les mises en demeure de la CNIL. L’utilisation de Google Analytics est-elle légale en France ? La réponse de Romain est nuancée. « Aujourd’hui, Google Analytics n’est pas illégal pour la CNIL. L’utilisation par contre qui en est faite à 99 % est illégale. » Le problème réside dans le transfert de données personnelles vers les États-Unis.
Il est techniquement possible de configurer Google Analytics pour respecter les recommandations de la CNIL, qui a publié une FAQ à ce sujet. Cela implique de « proxifier Google Analytics », c’est-à-dire de faire transiter les données par un serveur intermédiaire pour anonymiser l’adresse IP et retirer les identifiants. Cependant, cette méthode a un coût : « on vient complètement déshabiller Google Analytics qui sert pratiquement plus à rien. »
Face à cette situation, de nombreuses entreprises continuent d’utiliser l’outil en prenant un risque calculé, pariant sur une évolution de la législation. D’autres se tournent vers des solutions alternatives comme Matomo, qui peuvent bénéficier d’une exemption de consentement sous certaines conditions.
Les 3 erreurs de tracking les plus fréquentes (et comment les éviter)
Pour conclure, Romain Trublard partage les trois erreurs qu’il rencontre le plus souvent chez les annonceurs.
1. L’absence de tracking ou le mauvais tracking
Cela peut paraître surprenant, mais la première erreur est tout simplement l’absence totale de suivi. « Beaucoup d’annonceurs encore aujourd’hui font des publicités sur Facebook, sur Google […] et n’ont pas de pixels de posé. » À l’inverse, on trouve aussi le problème du tracking en doublon, qui fausse complètement les données et dégrade leur qualité.
2. L’excès de tracking : quand trop de données tue la donnée
La deuxième erreur est le pendant de la première : vouloir tout traquer. « Le moindre bouton, et on va se retrouver avec 250 tags qui seront jamais analysés. » Cette surabondance de données crée du bruit statistique et peut même pousser à l’inaction. Comme le résume Romain, « quand il y a trop de data, parfois ça peut pousser à l’inaction aussi ». Mieux vaut se concentrer sur les quelques événements clés qui ont un réel impact sur le business.
3. Le manque de planification et de mise à jour
Enfin, la dernière erreur est le manque de rigueur sur le long terme. Un plan de tracking doit être documenté et mis à jour. « On a fait du Facebook il y a 2 ans, on a arrêté, pourtant on a encore le tracking Facebook. À quoi ça sert ? À rien. » Ces tags obsolètes ne font qu’alourdir les temps de chargement du site. Il est donc crucial d’avoir un référent technique et de documenter chaque action pour assurer la maintenance et la pertinence du plan de taggage dans le temps.
FAQ sur le plan de tracking en marketing digital
Pourquoi le tracking est-il si important en marketing digital ?
Le tracking est fondamental car il permet de mesurer la performance pour ensuite l’optimiser. Il fournit des données essentielles pour améliorer l’expérience utilisateur sur le site, comprendre l’efficacité des campagnes d’acquisition et améliorer le ciblage publicitaire en alimentant les algorithmes des plateformes.
« On peut pas optimiser ce qu’on peut pas mesurer. Donc c’est je pense qu’il y a vraiment deux pans à prendre en compte, il y a l’aspect expérience sur le site […] et puis on va avoir l’autre partie qui va être si on fait de l’acquisition payante […] pouvoir mesurer la performance. » – Romain Trublard
Comment commencer à créer un plan de tracking ?
Un plan de tracking ne commence pas avec un outil, mais avec une réflexion stratégique. La première étape est de prendre une feuille blanche ou un tableur et de définir clairement ce que l’on souhaite mesurer, en alignant ces indicateurs (KPIs) avec les objectifs globaux de l’entreprise (OKR, North Star Metric).
« La première chose à faire, ça se fait pas avec les outils. Euh ça se fait avec un tableau Excel ou une feuille blanche […] C’est de savoir qu’est-ce qu’on veut mesurer sur un site. » – Romain Trublard
Qu’est-ce qu’un Tag Management System (TMS) comme Google Tag Manager ?
Un Tag Management System (TMS) est un outil qui permet de centraliser la gestion de tous les scripts de tracking (pixels, tags) d’un site web en un seul endroit. Cela simplifie leur déploiement, leur maintenance et assure une meilleure organisation et transparence du plan de taggage.
« C’est une analogie mais si on va mettre des vêtements dans sa salle de bain, dans sa chambre, dans la cuisine, on va jamais s’y retrouver. Si on met tout dans l’armoire, déjà c’est plus rangé et puis au moins on sait où où chaque pièce est. » – Romain Trublard
Comment la fin des cookies tiers affecte-t-elle le tracking ?
La fin des cookies tiers, combinée aux restrictions des navigateurs comme Safari (ITP), limite fortement la capacité à suivre les utilisateurs sur plusieurs sites et réduit la durée de vie des cookies. Cela impacte directement la mesure de la performance des campagnes publicitaires et l’attribution des conversions.
« Le cookie tiers, ça impact réellement Facebook, Google, les les prestataires de d’acquisition, les les plateformes parce que elles doivent s’adapter à ces au fait que Safari bloque les cookies. » – Romain Trublard
C’est quoi le tracking server-side et quels sont ses avantages ?
Le tracking server-side est une méthode où les données sont envoyées depuis le serveur du site web vers les plateformes tierces, plutôt que directement depuis le navigateur de l’utilisateur. Son avantage principal est de créer un contexte de tracking first-party, ce qui permet d’étendre la durée de vie des cookies et de contourner les restrictions des navigateurs, tout en améliorant la gouvernance des données.
« On met en place des solutions comme du tracking serveur side […] qui va permettre de venir configurer un domaine de tracking où on va poser le cookie depuis notre propre domaine. » – Romain Trublard
L’utilisation de Google Analytics est-elle légale en France selon la CNIL ?
En l’état actuel (octobre 2022), Google Analytics n’est pas déclaré illégal en soi par la CNIL. Cependant, son utilisation par défaut, qui implique un transfert de données personnelles vers les États-Unis, est considérée comme non conforme au RGPD. Une mise en conformité est possible mais techniquement complexe (via proxification) et dégrade la richesse de l’outil.
« Aujourd’hui, Google Analytics n’est pas illégal pour la CNIL. L’utilisation par contre […] qui en est faite à 99 % est illégale. » – Romain Trublard
Quelle est la plus grosse erreur à éviter en matière de tracking ?
L’erreur la plus fondamentale et la plus fréquente est l’absence pure et simple de tracking ou un tracking mal configuré (par exemple, des pixels en double). Lancer des campagnes publicitaires payantes sans un suivi correct des conversions est une erreur coûteuse qui empêche toute optimisation de la performance.
« La première erreur que je vois le plus, c’est l’absence de tracking ou le mauvais tracking. […] beaucoup d’annonceurs encore aujourd’hui font des publicités […] et ont pas de pixels de poser. » – Romain Trublard
Faut-il tout traquer sur un site web ?
Non, vouloir tout traquer est une erreur. Cela crée une surcharge d’informations (‘bruit’) qui rend l’analyse complexe et peut mener à l’inaction. Il est plus efficace de se concentrer sur les événements et les conversions clés qui sont directement liés aux objectifs de l’entreprise.
« L’erreur, c’est de vouloir tout traquer sur le site, le moindre bouton et on va se retrouver avec 250 tags qui seront jamais analysés. » – Romain Trublard
Le tracking est-il un projet unique ou un processus continu ?
Le tracking n’est absolument pas un projet unique (‘one shot’). C’est un processus continu qui doit vivre et évoluer avec le site web et la stratégie marketing. Il nécessite une maintenance régulière, des mises à jour et une documentation rigoureuse pour rester fiable et pertinent sur le long terme.
« J’entendais le le tracking c’est pas un projet, c’est un département. Et c’est un peu ça. » – Romain Trublard
Comment s’assurer que son tracking est fonctionnel ?
Le test est une phase finale indispensable de toute implémentation de tracking. Il ne faut jamais mettre en production un tag sans l’avoir testé rigoureusement. Les outils de TMS comme Google Tag Manager offrent des modes de prévisualisation et de débogage pour vérifier que les tags se déclenchent correctement et que les bonnes données sont collectées avant le déploiement.
« La dernière phase, c’est vraiment de tester le tracking parce que je vois souvent des implémentations de tracking qui sont qui sont plus fonctionnels […] on met bêtement en production sans avoir testé. » – Romain Trublard