Qu’est-ce que le principe de cohérence en marketing ?
Imaginez un instant avec moi une situation. Vous êtes en train de marcher dans la rue tranquillement et un individu qui porte un t-shirt de l’UNICEF vous accoste. Il vous explique qu’il veut vous parler de la cause de l’UNICEF, que ça ne prendra que 2 minutes. À ce stade, ça paraît cruel de refuser. Après tout, le pauvre gars passe sa journée dans la rue à parler à des passants qui sont pressés, et tout ça pour une bonne cause. Donc vous acceptez de lui parler quelques minutes.
Au cours de la conversation, il va vous conduire, en posant quelques questions, à accepter que vous soutenez la cause. Évidemment que vous soutenez la cause, c’est une bonne cause. Au bout de quelques minutes, le volontaire vous propose de faire une donation. À ce stade, il a enclenché dans votre cerveau le principe de cohérence. En d’autres termes, les chances que vous acceptiez sa demande maintenant sont largement supérieures à ce qui se serait passé s’il vous avait demandé de l’argent directement.
Je pense qu’on comprend tous instinctivement que le volontaire qui a passé quelques minutes à nous parler de la cause a de meilleures chances de nous convaincre. Ce qu’on va voir ici, c’est pourquoi. Comment le principe de cohérence fonctionne et comment vous pouvez utiliser ce même mécanisme psychologique dans des situations absolument différentes pour améliorer l’efficacité de votre marketing et pour booster vos taux de conversion.
La définition simple du principe de cohérence
La définition du principe de cohérence est la suivante : nous nous comportons généralement de façon cohérente avec nos actions et nos engagements passés. Et ce principe tient même si la motivation originale pour nos actions passées a disparu. Une fois que vous avez accepté que vous supportez la bonne cause de l’UNICEF, le principe de cohérence rentre en jeu. Parce que maintenant, vous devez rester cohérent avec vos actions et vos engagements passés. Et donc, quand on vous demande de l’argent, puisque vous avez déjà admis que vous soutenez cette cause, la pression pour donner est à son maximum.
L’exemple de l’UNICEF et la technique du pied dans la porte
L’utilisation de ce principe par les associations caritatives fait exploser leur taux de conversion. Elles utilisent ce qu’on appelle la technique du pied dans la porte. Le pied dans la porte, c’est le fait de demander à quelqu’un de prendre un petit engagement qui n’a l’air de rien, parce que vous savez que le principe de cohérence va les pousser plus tard à prendre le grand engagement qui arrive. Ce principe est bien évidemment utilisé par les associations caritatives, par les vendeurs au porte-à-porte. L’idée est que si le vendeur arrive à enclencher la conversation, le principe de cohérence va pousser les gens à continuer à lui parler et à lui donner une chance de faire sa vente.
Les 3 piliers psychologiques qui rendent le principe de cohérence si puissant
Trois facteurs principaux expliquent pourquoi ce levier de l’influence et de la persuasion est si profondément ancré en nous : l’optimisation de nos ressources mentales, la dissonance cognitive et la pression sociale.
L’optimisation des ressources mentales : notre cerveau en mode pilote automatique
La première raison pour laquelle le principe de cohérence est aussi efficace, c’est une question d’optimisation de nos ressources mentales. L’idée ici, c’est que si vous deviez faire au quotidien l’ensemble de vos décisions à partir de zéro, ça serait épuisant. Imaginez que vous deviez décider chaque jour quelle marque de céréales vous allez acheter. Quelle marque de beurre ? Quelle marque de lait ? Ça serait absolument épuisant de reprendre cette décision en permanence. C’est pour ça que l’être humain a tendance à faire le choix une fois, puis à se tenir à ce choix tant qu’il n’y a pas de raison majeure de changer.
En termes de vente, c’est une méthode qui est souvent utilisée. Imaginez un vendeur de voiture malhonnête. Vous venez au concessionnaire, il vous montre une voiture, vous la conduisez, le prix vous semble correct, vous commencez à remplir les formulaires. Tout d’un coup, le vendeur revient et vous dit : ‘Écoutez, on a fait une erreur, le modèle que vous voulez est un peu plus cher.’ À ce stade-là, vous avez déjà dans votre tête pris la décision d’acheter. Vous avez déjà fait toute la réflexion, toute la recherche. Vous vous êtes auto-convaincu que c’était la bonne décision. Même si le prix a augmenté, vous avez de bonnes chances de dire : ‘Quoi qu’il arrive, c’est la bonne décision, on va continuer dans cette direction.’ Vous cherchez à rester cohérent.
La dissonance cognitive : le besoin d’aligner nos croyances sur nos actions
La deuxième raison pour laquelle le principe de cohérence fonctionne aussi bien, c’est ce qu’on appelle la dissonance cognitive. La dissonance cognitive, c’est un principe psychologique qui dit que nous sommes inconfortables quand nos actions ne sont pas alignées avec nos croyances. En d’autres termes, si vous avez pris une décision, vous allez chercher à aligner vos croyances avec cette action. C’est ce qu’on appelle aussi la rationalisation : nous créons nos croyances pour justifier nos actions passées.
Je vais vous donner un exemple qui rend les choses très claires, tiré de l’autobiographie de Benjamin Franklin. Il avait un rival politique particulièrement hostile. Comment le convaincre de travailler avec lui ? Franklin était un fin psychologue. L’instinct serait de faire des faveurs à cette personne. Mais l’expérience montre que l’inverse est vrai : si vous voulez que quelqu’un vous apprécie, c’est plus efficace de lui demander une faveur. Franklin a appris que son rival possédait un livre rare et précieux. Il lui a demandé de le lui prêter. Le rival a accepté. Franklin a rendu le livre quelques jours plus tard avec un mot de gratitude. Le lendemain, le rival lui a adressé la parole pour la première fois. Ils sont devenus amis pour le reste de leur vie. Franklin résume la morale ainsi : ‘Celui qui vous a fait une faveur sera plus disposé à vous en faire une autre que celui que vous avez vous-même aidé.’ Pourquoi ? Parce que nos croyances suivent nos actions. Une fois que le rival a fait une faveur à Franklin, une action positive, ses croyances se sont naturellement alignées pour suivre cette action.
La pression sociale : la peur d’être perçu comme instable
Le dernier élément qui soutient le principe de cohérence est la pression sociale. C’est la pression externe. Dans notre société, les personnes qui changent d’avis sont regardées d’un mauvais œil, comme des gens qui ne sont pas fiables. L’exemple le plus simple, ce sont les politiciens. Un politicien qui change d’avis est fondamentalement louche, même s’il a de très bonnes raisons de le faire. Se contredire est considéré comme une marque de faiblesse. Il y a donc une pression sociale à agir de façon cohérente avec nos actions et nos dires passés.
Comment utiliser le principe de cohérence pour convertir plus de visiteurs en acheteurs ?
Maintenant, voyons comment est-ce que vous pouvez utiliser très concrètement le principe de cohérence pour booster vos conversions. La première chose que vous pouvez faire, c’est de décomposer votre objectif en une série de petites actions.
Décomposer l’objectif final : la leçon des prisonniers de la guerre de Corée
Un excellent exemple donné par Cialdini vient de la guerre de Corée. Les Chinois étaient extrêmement efficaces pour pousser les prisonniers de guerre américains à collaborer et à dénoncer leurs collègues, bien plus que les Coréens du Nord ou les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale qui utilisaient la brutalité. Quelle était leur technique spéciale ? Le principe de cohérence.
Leur solution était de décomposer l’action finale souhaitée (collaborer) en une série de petits engagements, de façon à ce que chaque engagement apparaisse individuellement mineur. Pour amener un prisonnier à collaborer, on pouvait commencer par lui demander de répéter une phrase du type : ‘Les États-Unis ne sont pas parfaits.’ En soi, cela ne semble pas être une trahison. Mais après ça, l’interrogateur pousse plus loin : ‘Peux-tu me dire en quoi ils ne sont pas parfaits ?’ L’engagement est un peu supérieur, mais cohérent avec l’affirmation précédente.
Étape suivante, on lui demande d’écrire les raisons qu’il a données. Puis de signer la liste. Puis de lire cette liste devant d’autres prisonniers. Puis d’écrire un essai développant ces idées. Chaque étape ne semble pas un engagement énorme par rapport à la précédente. L’étape finale : on lit son essai à la radio du camp, avec son nom, audible par tous les autres soldats. À ce stade, le soldat a été trop loin. Son identité commence à se transformer par la dissonance cognitive. Il est rejeté par les autres, traité comme un traître. Il commence à se dire : ‘J’ai quand même écrit ce texte. Peut-être que les Coréens ont raison.’ Il devient alors prêt à donner progressivement des informations, car c’est la chose cohérente à faire selon ses actions passées.
Le tunnel de vente : guider le prospect pas à pas
En marketing, ce principe est utilisé en permanence. C’est ce qu’on appelle un tunnel de vente. Par exemple, un tunnel de vente classique serait : un visiteur lit votre article, vous lui proposez de s’inscrire à votre liste email, vous lui envoyez quelques emails, vous l’invitez à un webinaire, puis vous lui proposez d’acheter un premier produit, et ensuite un ‘upsell’ plus cher. Si vous aviez demandé d’emblée d’acheter votre produit, il aurait dit non. Mais en lui faisant traverser une série de petites étapes, vous amenez cette personne à s’engager de plus en plus.
Pour un logiciel, on utilise souvent un essai gratuit. C’est un premier engagement minime. Au fur et à mesure de l’utilisation, vous y prenez habitude, vous restez cohérent avec vos actions. Quand l’essai se termine, vous avez plus de chances de vous inscrire. Même Facebook utilise ce principe. Au début, on vous demande peu d’informations. Mais au fur et à mesure, votre engagement augmente, votre identité change, et il devient de plus en plus justifié pour Facebook de vous demander plus d’informations.
Optimiser vos formulaires pour un engagement progressif et plus de conversions
Ce principe s’applique même en web design. Pour créer un formulaire efficace, commencez toujours par le champ le plus facile à remplir. Une étude de cas de ConversionXL montre qu’en inversant simplement l’ordre des champs pour mettre le plus facile au début (une question à choix multiple), le taux de conversion a augmenté de 44,7%. Pourquoi ? Parce que vous poussez un maximum de gens à commencer à remplir le formulaire. Et puisqu’ils ont commencé, ils pourraient aussi bien finir.
Vous pouvez aller encore plus loin en décomposant un formulaire en plusieurs étapes. Au lieu d’un formulaire avec 15 champs, mettez-en un avec deux champs : prénom et email. Une fois que les gens ont rempli ces deux champs et cliqué sur ‘suivant’, ils ont commencé. Le principe de cohérence les pousse à remplir le reste. Le site de rencontre eHarmony est un excellent exemple. La première étape est ultra simple : ‘Je suis un homme/femme, je cherche un homme/femme, j’habite dans telle ville.’ Une fois que vous avez commencé, votre cohérence interne vous pousse à remplir l’étape suivante, et la suivante.
En conclusion, l’idée est que nous nous comportons de façon cohérente avec nos actions et engagements passés. Si vous commencez par demander un petit engagement à votre prospect, vous pouvez construire par la suite une suite d’actions qui augmente progressivement son investissement jusqu’à lui faire accomplir votre objectif final.
Questions fréquentes sur le principe de cohérence
Qu’est-ce que le principe de cohérence en psychologie ?
Le principe de cohérence est la tendance psychologique à se comporter de manière consistante avec ses actions, engagements et décisions antérieurs. C’est un raccourci mental qui nous aide à prendre des décisions plus rapidement et à maintenir une image de soi stable et fiable.
‘La définition du principe de cohérence est la suivante : Nous nous comportons généralement de façon cohérente avec nos actions et nos engagements passés.’ – Stanislas Leloup
Comment la technique du pied dans la porte utilise-t-elle la cohérence ?
Cette technique consiste à demander un petit engagement initial, facile à accepter. Une fois cet engagement pris, la personne est plus susceptible d’accepter une demande plus importante par la suite, afin de rester cohérente avec sa décision initiale.
‘Le pied dans la porte, c’est le fait de demander à quelqu’un de prendre un petit engagement qui n’a l’air de rien, parce que vous savez que le principe de cohérence va les pousser plus tard à prendre le grand engagement qui arrive.’ – Stanislas Leloup
Pourquoi la dissonance cognitive nous pousse-t-elle à rester cohérents ?
La dissonance cognitive est l’inconfort mental ressenti lorsque nos actions contredisent nos croyances. Pour réduire cet inconfort, nous avons tendance à modifier nos croyances pour les aligner sur nos actions passées, nous forçant ainsi à rester cohérents avec ce que nous avons déjà fait.
‘La dissonance cognitive, c’est un principe psychologique qui dit que nous sommes inconfortables quand nos actions ne sont pas alignées avec nos croyances. En d’autres termes, si vous avez pris une décision, vous allez chercher à aligner vos croyances avec cette action.’ – Stanislas Leloup
Quel est l’effet Benjamin Franklin et son lien avec la cohérence ?
L’effet Benjamin Franklin illustre que nous avons tendance à apprécier davantage une personne après lui avoir rendu service. En faisant une faveur (une action positive), notre cerveau aligne nos croyances pour être cohérent, concluant que nous devons aimer cette personne pour lui avoir rendu service.
‘Celui qui vous a fait une faveur sera plus disposé à vous en faire une autre que celui que vous avez vous-même aidé. Pourquoi est-ce que ça fonctionne ? Ça fonctionne parce que nos croyances suivent nos actions.’ – Stanislas Leloup
Comment appliquer le principe de cohérence dans un tunnel de vente ?
Un tunnel de vente utilise la cohérence en guidant un prospect à travers une série d’engagements progressifs. On commence par une petite demande (lire un article, s’inscrire à une newsletter) pour ensuite proposer des engagements plus importants (participer à un webinaire, acheter un produit), chaque étape renforçant l’engagement précédent.
‘C’est ce qu’on appelle un tunnel de vente. Par exemple, un tunnel de vente classique serait écrire un article… s’inscrire à votre liste email… venir à votre webinaire… acheter votre premier produit. Et après ça, vous pouvez leur proposer un upsell.’ – Stanislas Leloup
En quoi le principe de cohérence peut-il augmenter le taux de conversion d’un formulaire ?
En structurant un formulaire pour qu’il commence par les questions les plus simples ou en le divisant en plusieurs étapes, on incite l’utilisateur à prendre un premier petit engagement. Une fois qu’il a commencé à remplir le formulaire, le principe de cohérence le pousse à terminer le processus, même si les étapes suivantes sont plus complexes.
‘Au moment où les gens auront rempli ces deux champs, ont cliqué sur le bouton suivant, ils ont commencé à remplir le formulaire. Et maintenant le principe de cohérence les pousse à remplir le reste du formulaire.’ – Stanislas Leloup
Quel est le rôle de la pression sociale dans le principe de cohérence ?
La société valorise la cohérence et perçoit négativement les personnes qui changent souvent d’avis, les jugeant peu fiables. Cette pression sociale externe nous incite à maintenir nos positions et à agir en accord avec nos déclarations et actions passées pour préserver notre réputation.
‘Dans notre société, les personnes qui changent d’avis sont regardées d’un mauvais œil, comme des gens qui ne sont pas fiables… il y a une pression sociale à agir de façon cohérente avec nos actions et nos dires passés.’ – Stanislas Leloup
Comment les Chinois ont-ils utilisé la cohérence sur les prisonniers américains pendant la guerre de Corée ?
Ils ont décomposé l’objectif de ‘collaboration’ en une série de minuscules engagements progressifs. En demandant d’abord aux prisonniers d’admettre des critiques mineures envers leur pays, puis de les écrire, de les signer et de les lire en public, ils ont lentement modifié l’identité des soldats, les rendant plus susceptibles de collaborer pleinement pour rester cohérents avec leurs actions précédentes.
‘Leur solution était de décomposer cette action finale souhaitée en une série de petits engagements de façon à ce que chaque engagement apparaisse individuellement mineur.’ – Stanislas Leloup