Logo de l'épisode Monétiser un plugin gratuit installé sur 500k sites - avec Jonathan Buttigieg du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Monétiser un plugin gratuit installé sur 500k sites – avec Jonathan Buttigieg

Épisode diffusé le 7 avril 2020 par Marketing Mania

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De développeur à CEO : la fin progressive du code ?

Le parcours de nombreux entrepreneurs dans la tech commence souvent les mains dans le code. C’était le cas pour Jonathan Buttigieg, co-fondateur de WP Rocket, qui est passé d’un profil purement technique à la tête d’une entreprise de 22 personnes réalisant plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires. Cette transition soulève une question essentielle : un CEO technique code-t-il encore ?

« Au niveau du plugin et des plugins en eux-mêmes, donc des services Imagify et WP Rocket, je ne fais plus du tout de code », explique Jonathan. Son implication technique se limite désormais à des interventions très ciblées, souvent liées au support client.

Gérer le support pour rester connecté aux clients

Pour un dirigeant, garder un pied dans le support client est un moyen puissant de ne pas se déconnecter de la réalité du terrain. Jonathan l’a bien compris : « Je prends toujours un petit peu de tickets de support pour toujours savoir un petit peu… bah le support, c’est le lien direct entre le produit et le client. Donc faire un peu de support, ça permet de connaître leurs problématiques. »

Cette pratique lui permet non seulement de comprendre les attentes des utilisateurs, mais aussi d’intervenir ponctuellement sur des bugs mineurs. « Des fois, bah j’ai des tickets, je résous un souci donc je… mais vraiment que du bug, c’est rajouter une ligne de code dans le plugin. » Une façon de rester affûté techniquement tout en servant directement le client.

Les tâches critiques : pourquoi je code encore

Si le développement des fonctionnalités principales est entièrement délégué, Jonathan conserve la main sur des aspects qu’il juge trop critiques pour être externalisés. Il s’agit notamment du code sur le site web de l’entreprise, en particulier les parties liées au e-commerce et à la validation des licences.

« C’est moi qui l’ai codé avec ma façon de coder, donc ce n’est pas très facile à comprendre… c’est une partie où j’aimerais bien que ça soit tout parfait, on ne peut pas se permettre d’avoir un seul bug », confie-t-il. La raison principale est la réactivité. En cas de problème sur le système de paiement ou de licence, une intervention immédiate est nécessaire. « Si en plus ça bug, il va falloir après se retourner contre le freelance ou contre l’agence. Après, l’agence n’est pas forcément disponible dans l’heure pour régler le souci. »

Cependant, même cette dernière forteresse technique est vouée à tomber. L’objectif est clair : « On recherche une personne qui serait capable de faire ces petites parties-là que je puisse déléguer et me concentrer sur tout ce qui est chiffre d’affaires. »

Le rôle de CEO : piloter la croissance et conseiller les experts

Une fois libéré des contraintes de la production, quel est le rôle principal d’un ancien développeur devenu CEO ? Pour Jonathan, la mission est double : orchestrer la croissance et agir comme consultant interne pour ses équipes spécialisées.

« Mon poste c’est CEO, donc je suis responsable de la croissance du chiffre d’affaires. Ma première fonction est de penser à qu’est-ce qui pourrait apporter et faire grossir le chiffre d’affaires. »

Apporter la vision produit et l’expertise marché

L’entreprise a recruté des experts, comme un Product Manager qui a travaillé sur le jeu mobile à succès Fruit Ninja et une CMO (Chief Marketing Officer). Si ces profils apportent des compétences pointues, il leur manque parfois la connaissance intime de l’écosystème WordPress. C’est là que Jonathan intervient.

« Je suis un peu leur consultant parce qu’ils n’ont pas forcément le background WordPress, l’écosystème WordPress, au niveau aussi de la compréhension du produit », précise-t-il. Par exemple, avec son Product Manager, malgré sa grande expérience, « toute la partie cache et cetera, il ne connaît pas forcément. Donc je suis là en tant que consultant quand il doit prendre des décisions. Je lui apporte mon savoir et, combiné, ça nous permet de travailler en osmose et de prendre les bonnes décisions. »

Agir en « pompier » pour combler les manques

Le rôle d’un dirigeant dans une PME en croissance est aussi de savoir être polyvalent et d’intervenir là où il y a un besoin critique. C’est ce que Jonathan appelle le rôle de « pompier ».

« Là où il y a besoin d’aide. Par exemple, pour le support, on recrute un support manager et on a des difficultés à recruter sur ce poste-là. Donc je prends le poste en attendant et je m’occupe de comment diminuer le temps de réponse, diminuer le nombre de tickets, etc. L’objectif est bien sûr de déléguer, mais quand il y a un manque, de pouvoir aussi aller aider là où on pourrait améliorer certaines choses. »

Se former sur le tas : la clé de l’entrepreneur

Le parcours de WP Rocket est une illustration parfaite de l’apprentissage par la pratique. Partis de compétences purement techniques, les fondateurs ont dû acquérir toutes les autres casquettes nécessaires à la gestion d’une entreprise.

« Tout a été pris sur le tas. On a commencé à trois, on faisait du support. On a appris le métier de support qu’on ne connaissait pas du tout », raconte Jonathan. Cette immersion forcée dans le support client a été un formidable accélérateur d’apprentissage. « Après, bah une fois qu’on a fait du support, il a fallu avoir de nouveaux clients. Donc on a commencé à utiliser des outils comme Intercom, essayer du Facebook Ads… on apprend vraiment sur le tas. »

De l’autoformation au recrutement d’experts

L’autoformation a ses limites. L’étape suivante, pour professionnaliser l’entreprise, est de recruter des personnes dont c’est le métier. « On se rend compte que ce n’est pas notre métier, que pour arriver à un certain niveau professionnel, il faut recruter des gens. »

Ce processus de recrutement devient lui-même une source d’apprentissage accéléré. « Quand ces personnes-là arrivent, on apprend énormément d’elles parce que c’est des personnes compétentes qui ont de l’expérience. En fait, on apprend vraiment des deux côtés. »

Cette expérience de toucher à tout, même brièvement, avant de recruter, offre un avantage considérable. Elle permet de mieux comprendre les enjeux d’un poste et d’évaluer plus justement les candidats. « Même si tu as juste pratiqué sur ton truc, au moins tu as une idée, tu as une notion de ce que tu recherches, de ce dont tu as besoin et comment est-ce que tu peux évaluer la personne qui est en face. »

Le défi de recruter sans être un expert du domaine

Recruter pour un poste dont on ne maîtrise pas les compétences est l’un des plus grands défis de l’entrepreneur. Comment savoir si l’on choisit la bonne personne ? Jonathan partage son expérience lors du recrutement de son Product Manager et de sa responsable marketing.

« C’est des postes avec des inconnues. Être product manager, c’est des plannings sur comment prioriser les versions, etc., qu’on n’a jamais faits. On peut s’en fier qu’à notre propre expérience et ressenti. Il n’y a que le temps qui va nous dire si la personne est la bonne ou pas », admet-il. C’est un pari basé sur la confiance et l’intuition. « À part tester… si on ne teste pas et qu’on ne prend pas le risque, on ne peut pas savoir. »

L’art de déléguer : l’exemple critique de la stratégie de prix

Pour un fondateur, certaines décisions semblent trop importantes pour être laissées à d’autres. La stratégie de prix en fait souvent partie. Pourtant, l’histoire de Jonathan avec l’augmentation des tarifs de WP Rocket est une leçon magistrale sur la puissance de la délégation.

L’échec d’une augmentation de prix menée en solo

Suite à une restructuration interne, Jonathan est devenu CEO et l’une de ses premières missions fut de revoir les tarifs. Une expérience qu’il qualifie de frustrante et ratée. « Je me suis complètement planté parce que d’une, je ne sais pas comment mesurer l’impact. Analytics et moi, ça fait deux. […] Je l’ai fait une semaine avant la promo d’Halloween. Donc déjà pour calculer l’impact du prix, c’est biaisé par la promotion. Je ne l’ai pas lancé au bon moment. »

Le principal écueil fut son incapacité à analyser les données pour valider sa décision. « J’ai pas su en fait analyser derrière la conversion, les chiffres qu’il y a derrière. »

La puissance d’une experte pour monétiser un plugin WordPress

L’arrivée d’une responsable marketing a radicalement changé la donne. La même tâche lui a été confiée, et le résultat fut incomparable. « C’était le jour et la nuit. Elle nous a fait des tableaux, des prévisionnels. Si on fait tel tarif, on peut estimer ça avec tant de pourcentage de renouvellement… elle nous a fait un tableau dynamique pour avoir un prévisionnel. »

Après l’augmentation, elle a fourni des rapports clairs montrant l’impact sur chaque indicateur clé. « Déléguer ça à une personne qui a l’expérience et les compétences pour le faire, ça a été l’une des meilleures décisions qu’on pouvait faire. La délégation est je pense l’un des maîtres mots quand on est entrepreneur, c’est savoir déléguer. »

Pourquoi et comment augmenter les prix de son plugin ?

La décision d’augmenter les prix n’était pas un caprice, mais une réponse stratégique à l’évolution du marché et aux ambitions de l’entreprise. C’est un levier essentiel pour toute personne cherchant à sérieusement monétiser un plugin WordPress.

L’évolution du marché WordPress

Jonathan observe une tendance de fond dans l’écosystème : la fin des modèles non durables. « Chose qui se fait de moins en moins, à l’origine, tu avais des plugins qu’on appelle lifetime, c’est-à-dire un one shot, tu as support illimité, site illimité et mise à jour illimitée. Ça, ça se fait plus du tout quasiment parce qu’ils se rendent compte que ce n’est pas du tout rentable sur le long terme. »

De plus, de grands acteurs comme Gravity Forms ou WooCommerce ont montré la voie en augmentant leurs tarifs et en réduisant les remises sur les renouvellements. WP Rocket a suivi cette tendance en faisant passer la remise de renouvellement de 50% à 30%.

Financer la croissance et l’accélération

L’objectif principal de cette hausse était de se donner les moyens de ses ambitions. « Pour nous, l’augmentation des tarifs était cruciale dans le sens où on voulait mettre un coup d’accélérateur. Et pour mettre un coup d’accélérateur, il faut recruter. Et pour recruter, il faut avoir de nouvelles sources de revenus. »

Les résultats ont été immédiats et significatifs. « Rien que sur les renouvellements, on a augmenté notre revenu des renouvellements de 25 % avec l’augmentation des tarifs. » Cet argent a été directement réinvesti dans le recrutement (développeurs, marketing manager) et dans la création de contenu de qualité, comme des tutoriels vidéo professionnels pour 15 000 dollars.

L’importance des associés : s’entourer pour réussir

Aurait-il pu lancer un projet de cette ampleur tout seul ? La réponse de Jonathan est catégorique : non. L’aventure WP Rocket est avant tout une histoire d’association.

La théorie du « mariage » professionnel

Jonathan file la métaphore du mariage pour décrire l’association en affaires : « S’associer, c’est comme si c’était un mariage. C’est exactement ça. C’est un engagement avec des hauts, des bas, des trahisons, des surprises, des cadeaux. »

Selon lui, avoir déjà travaillé avec ses futurs associés est un avantage considérable. C’est le cas avec son co-fondateur Jean-Baptiste Marchand Arvier. « Ça faisait un peu plus d’un an qu’on se connaissait et puis on a vraiment la même philosophie. » Cette connaissance préalable permet de s’assurer de la compatibilité des visions et des méthodes de travail.

Complémentarité et vision commune

Le succès du duo repose sur deux piliers : la complémentarité des caractères et l’alignement de la vision. « Moi, je suis plutôt un électron libre avec 15 milliards d’idées qui débitent dans la tête et JB est plutôt calme et raisonné. »

Mais surtout, « au niveau de la philosophie, de la vision d’entreprise et des objectifs, on est à 10 000 % en cohérence. Je n’ai pas souvenir qu’à un moment donné on n’était pas d’accord sur un point. »

Lancer un plugin WordPress à succès : l’histoire de WP Rocket

L’histoire de WP Rocket commence non pas avec un business plan, mais avec un simple tutoriel sur un blog personnel.

D’un tutoriel à 4,50€ à une opportunité business

Jonathan avait posté sur son blog un tutoriel pour mettre en place un système de cache. Pour ceux qui ne voulaient pas suivre les 2 heures de vidéo, il proposait de télécharger les fichiers sources pour 4,50 €. Le succès fut immédiat. « J’ai eu 250 commentaires sur l’article en un mois. J’ai vu qu’il y avait une opportunité. »

Il n’envisageait cependant pas de se lancer seul. « Je me voyais pas le faire tout seul dès le départ. » Il a donc contacté Jean-Baptiste, son ancien collègue passionné comme lui par la performance web, et Julio Potier, une sommité reconnue dans la communauté WordPress francophone pour son expertise en sécurité.

Un lancement MVP à 80 €

L’équipe a adopté une approche de Minimum Viable Product (MVP) pour le lancement, avec des coûts dérisoires. « Le lancement nous a coûté à tout casser 80 €. On a pris un logo qu’on a acheté sur l’équivalent de ThemeForest pour les logos, ça nous a coûté 10 balles. On a pris un template HTML dégueulasse à 5 dollars qu’on a lancé. »

Avant le lancement officiel le 14 juillet 2013, une phase de bêta-test d’un mois avec 150 personnes a permis d’affiner le produit.

Les clés du succès dès le premier mois

Le succès a été immédiat. « Sur la première quinzaine de juillet, on avait fait 7400 € de chiffre d’affaires. » Ce démarrage en trombe s’explique par une stratégie de lancement bien orchestrée, reposant sur le réseau et la communauté.

« On a demandé aux copains d’écrire un article dessus. On a eu pas mal d’articles sur des gros blogs comme WP Channel, WP Formation, WP Marmite. » Combinée à une offre de lancement agressive (19€ pour la licence 1 site au lieu de 29€), cette visibilité initiale a permis de créer un élan qui ne s’est jamais démenti.

FAQ : Monétiser un plugin WordPress avec Jonathan Buttigieg

Comment passer de développeur à CEO d’une entreprise tech ?

La transition se fait en délaissant progressivement le code pour se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée comme la stratégie de croissance, le management et le conseil aux équipes. Il faut accepter de déléguer la partie technique, même si l’on garde un œil dessus.

« Je ne fais plus du tout de code sur les plugins. Mon poste, c’est CEO, donc je suis responsable de la croissance du chiffre d’affaires. Ma première fonction est de penser à ce qui pourrait faire grossir le chiffre d’affaires. »

Est-il nécessaire de savoir coder pour lancer un produit technologique ?

Non, mais avoir une compréhension des enjeux techniques est un avantage majeur, notamment pour recruter et évaluer les développeurs. Avoir touché au marketing ou au support avant de recruter des experts dans ces domaines aide aussi à mieux définir ses besoins et à juger les candidats.

« Le fait que tu aies commencé un petit peu à faire du support, à faire du marketing… au moins tu as une idée, tu as une notion de ce que tu recherches, de ce dont tu as besoin et comment est-ce que tu peux évaluer la personne qui est en face. »

Quelle est l’importance de déléguer quand on est entrepreneur ?

La délégation est fondamentale pour la croissance. Il faut savoir confier même les tâches les plus critiques, comme la stratégie de prix, à des experts qui possèdent les compétences nécessaires pour les mener à bien. C’est l’une des décisions les plus rentables qu’un entrepreneur puisse prendre.

« Déléguer ça à une personne qui a l’expérience et les compétences pour le faire, ça a été l’une des meilleures décisions qu’on pouvait faire. La délégation est je pense l’un des maîtres mots quand on est entrepreneur. »

Comment fixer et augmenter les prix d’un plugin WordPress ?

La stratégie de prix doit s’adapter à l’évolution du marché et aux ambitions de l’entreprise. Une augmentation de prix, si elle est bien préparée et mesurée par des experts, peut générer des revenus supplémentaires significatifs pour financer le recrutement et accélérer la croissance.

« Rien que sur les renouvellements, on a augmenté notre revenu des renouvellements de 25 % avec l’augmentation des tarifs. Pour nous, l’augmentation des tarifs était cruciale… pour mettre un coup d’accélérateur, il faut recruter. Et pour recruter, il faut avoir des nouvelles sources de revenus. »

Pourquoi est-il risqué de proposer une offre « lifetime » (à vie) ?

Les offres ‘lifetime’ (paiement unique pour un accès à vie) ne sont généralement pas rentables sur le long terme. Elles ne génèrent pas de revenus récurrents, qui sont pourtant essentiels pour financer le support continu et le développement du produit. Le marché WordPress s’éloigne de plus en plus de ce modèle.

« Ça, ça se fait plus du tout quasiment parce qu’ils se rendent compte que ce n’est pas du tout rentable sur le long terme et qu’il n’y a pas le récurrent. »

Comment trouver les bons associés pour monter sa startup ?

Il est préférable de s’associer avec des personnes que l’on connaît déjà et avec qui on a potentiellement déjà travaillé. La clé du succès réside dans la complémentarité des compétences et des caractères, mais surtout dans un alignement parfait de la vision et des objectifs pour l’entreprise.

« S’associer c’est comme si c’était un mariage. […] Avec Jean-Baptiste, on a vraiment la même philosophie. Au niveau de la vision d’entreprise et des objectifs, on est à 10 000 % en cohérence. »

Peut-on lancer un plugin WordPress à succès avec un petit budget ?

Oui, absolument. WP Rocket a été lancé avec un budget d’environ 80 €. L’approche MVP (Minimum Viable Product), qui consiste à lancer une version minimale du produit pour tester le marché, combinée à l’activation de son réseau pour obtenir de la visibilité, est une stratégie très efficace.

« Le lancement nous a coûté à tout casser 80 €. On a pris un logo à 10 balles, un template HTML dégueulasse à 5 dollars… On se lance, on teste, ça fonctionne pas, on verra. »

Pourquoi un fondateur doit-il continuer à faire du support client ?

Faire du support client permet au fondateur de garder un lien direct avec les utilisateurs et de comprendre leurs problèmes concrets. C’est une source d’information inestimable pour améliorer le produit et s’assurer qu’il répond toujours aux besoins du marché.

« Le support, c’est le lien direct entre le produit et le client. Donc faire un peu de support, ça permet de connaître leurs problématiques. »


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