Logo de l'épisode Ce que le monde du hip-hop enseigne aux marketeurs - avec Chris Kapongo de Hyconiq du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Ce que le monde du hip-hop enseigne aux marketeurs – avec Chris Kapongo de Hyconiq

Épisode diffusé le 27 février 2018 par Marketing Mania

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Ce que le monde du hip-hop enseigne aux marketeurs et créateurs de contenu

Le monde du rap me fascine. C’est un univers où un artiste est capable de faire levier sur sa musique pour construire un label, une marque de vodka, une boîte de nuit et une ligne de vêtements. Tout entrepreneur qui cherche à construire un véritable empire en se servant d’un premier produit peut s’en inspirer. Ce produit de base, pour nous, ça pourrait être une chaîne YouTube ou un site e-commerce, autour duquel on vient greffer tout un tas de business annexes qui se renforcent mutuellement et jouent sur les mêmes leviers marketing. Mon invité d’aujourd’hui, Chris Kapongo, le fondateur de Hyconiq, a étudié ces méthodes et a compris comment les appliquer sur son propre business.

Hyconiq est un média sur l’univers du hip-hop, et Chris a lancé une chaîne YouTube qui a explosé, dépassant les 100 000 abonnés grâce à un nouveau format de vidéo d’analyse. Dans cet échange, nous allons décortiquer ce que les entrepreneurs peuvent apprendre des stars du rap, comment vendre un lifestyle et émuler cet engouement qui pousse les gens à faire la queue des heures pour un simple t-shirt.

La naissance d’Hyconiq : du magazine en ligne à la chaîne YouTube

L’aventure Hyconiq a débuté comme un projet parallèle pendant les études de Chris. « J’ai commencé à bosser sur le site média en 2014, en parallèle de mon école de commerce », explique-t-il. Au départ, c’était un magazine en ligne avec des articles sur la musique et la mode, tournant autour de 50 000 visiteurs uniques par mois. L’objectif était clair : « On n’avait pas de contact dans le milieu de la musique ou de la mode. L’idée était de créer un média pour nous forger une petite notoriété et nous ouvrir des portes. » Une stratégie qui a fonctionné, puisque les membres de son équipe ont depuis intégré des structures prestigieuses comme celle de Booba.

Cependant, l’ambition de Chris a toujours été l’entrepreneuriat. Après une expérience à l’étranger, il a compris que le temps pressait. « Je me disais que le temps commence à presser et que j’avais déjà plusieurs idées en tête, notamment le Lifestyle Décodeur. Il fallait que j’avance et que je me lance. » C’est fin 2016 qu’il publie sa première vidéo, marquant le début d’une nouvelle ère pour Hyconiq.

Le « Lifestyle Décodeur » : la recette pour créer un format vidéo qui cartonne

Le succès fulgurant de la chaîne de Chris repose sur un concept central : le format. Tout comme moi avec Marketing Mania, Chris ne voulait pas simplement donner des conseils. Il voulait un format propre, un concept qui lui était propre. C’est ainsi qu’est né « Le Lifestyle Décodeur ».

Chris explique sa démarche : « Je voulais avoir un format d’émission qui soit suffisamment large pour que je me sente pas, à un moment donné, restreint par un sujet et que même dans la perception de mon audience, je sois formaté comme étant le journaliste rap. » Le nom même, « Lifestyle Décodeur », a été choisi pour sa largeur sémantique. Il permet d’aborder la musique, la mode, la pop culture, le sport, tout en intégrant une analyse business et marketing. « L’idée, c’est que la personne, elle va arriver sur la vidéo, elle n’a pas nécessairement envie d’entendre parler de marketing, mais au final elle clique, elle a une analyse marketing, une analyse musicale et elle se dit ‘au final, c’est intéressant ce qu’il fait’. »

Ce format hybride permet de satisfaire à la fois les fans de musique et un public plus large intéressé par l’industrie derrière, y compris d’autres artistes et créateurs de contenu.

Stratégie YouTube : les secrets d’une croissance à 100 000 abonnés en moins d’un an

Le format du Lifestyle Décodeur a été le véritable moteur de la croissance de la chaîne. Parti de zéro fin 2016, Chris a connu une ascension spectaculaire. « De avril à décembre, j’ai gagné près de 95 000 abonnés », raconte-t-il. Au moment de notre conversation, il avait dépassé les 105 000 abonnés. Ce succès n’est pas dû au hasard, mais à une stratégie YouTube bien pensée, axée sur la régularité et la qualité.

La régularité, un pacte avec l’audience et l’algorithme

L’un des piliers de cette croissance est la régularité. Publier une vidéo chaque semaine, le vendredi soir, a eu un impact majeur. Chris souligne plusieurs bénéfices. D’abord, une discipline personnelle : « C’est vraiment se donner une discipline sur la création de vidéo ». Ensuite, la création d’un rendez-vous avec le public : « Quand tu annonces des jours, les gens, en fait, s’attendent à te voir ce jour-là, donc ils se préparent mentalement. »

Mais l’impact de la régularité sur YouTube va plus loin. L’algorithme semble récompenser cette constance. « De ce que j’ai lu de YouTube, l’algorithme va jouer à ton avantage lorsque tu produis tes vidéos et que tu les postes toujours au même moment toutes les semaines. » En choisissant le vendredi soir, un créneau à forte audience, et en s’y tenant, Chris a mis toutes les chances de son côté pour que ses vidéos soient mises en avant.

Le processus de création : 35 heures pour une vidéo d’analyse

La qualité du contenu est l’autre clé. Une vidéo du « Lifestyle Décodeur » représente un investissement en temps considérable. Chris détaille son processus : « Je vais dire allez, 30 heures, peut-être un peu plus des fois. » Cela inclut :

  • La recherche (1 à 2 jours) : Visionnage intensif d’interviews, lecture d’articles pour collecter des extraits pertinents.
  • L’écriture (1 jour et demi) : Structuration d’un plan, rédaction du script avec une problématique claire.
  • L’enregistrement (environ 2 heures) : Tournage face caméra.
  • Le montage (environ 15 heures) : Assemblage des rushs, ajout des extraits, choix de la musique de fond. C’est l’étape la plus longue et la plus cruciale pour dynamiser le format.

Ce travail méticuleux permet de créer un contenu dense, informatif et divertissant, qui justifie la fidélité de son audience.

Monétiser son audience : le modèle économique inspiré du hip-hop

Avec plus de 100 000 abonnés, la question de la monétisation se pose. Pour l’instant, Chris se concentre sur la publicité YouTube, mais il a une vision beaucoup plus large, directement inspirée du business du rap. « C’est quelque chose qui clairement m’intéresse et qui va être fait sûrement cette année », confie-t-il en parlant de produits dérivés.

Au-delà de la publicité : vendre un lifestyle comme les rappeurs

Le modèle des rappeurs et des influenceurs comme Jake Paul est clair : il ne s’agit plus seulement de musique ou de vidéos, mais d’une « stratégie de contenu ». L’objectif est de capter l’attention pour ensuite développer un écosystème de produits. « À partir du moment où tu réussis à avoir l’attention des gens pour une raison X ou Y, tu peux ensuite développer tout un écosystème autour de toi, où tu peux créer des produits et vendre des produits. »

La clé est la cohérence. Les produits doivent être pertinents avec l’image et la marque personnelle du créateur. Que ce soit une ligne de vêtements, de la musique ou du consulting, la monétisation d’audience passe par la construction d’une marque forte, capable de vendre un lifestyle.

L’ère des influenceurs : quand la personnalité devient un produit

L’industrie musicale elle-même évolue dans ce sens. Le talent pur ne suffit plus. Des phénomènes comme Daniel Bregoli (« Catch me outside ») montrent qu’une forte personnalité et une capacité à créer la controverse peuvent être monétisées. « Aujourd’hui, tu as plus nécessairement besoin d’être le meilleur des artistes. Tu dois juste avoir une bonne personnalité, travailler sur ton personal branding et à partir de là, tu vas créer une audience. »

Cette évolution pousse les labels à signer des influenceurs avant même des musiciens traditionnels. Cela mène à une question sur la qualité musicale, mais comme le souligne Chris, « le but c’est de réagir à cette situation là et de voir comment tu fais pour survivre. » L’industrie s’adapte à un marché où l’attention est la ressource la plus précieuse.

Le marketing viral dans la musique : décryptage des mèmes et des buzz

Pour capter cette attention, le marketing musical a développé des techniques virales fascinantes. L’une des plus efficaces est ce que l’on pourrait appeler le « memejacking ».

Le « Mannequin Challenge » : comment un mème propulse un single en tête des charts

Chris analyse le cas du groupe Rae Sremmurd. Alors que leur single tournait bien, ils ont saisi l’opportunité du « Mannequin Challenge », un mème viral qui consistait à se filmer de manière statique. « Ce qu’on va faire, c’est que on va se filmer sur scène en faisant le Mannequin Challenge et on va le diffuser sur les réseaux sociaux. »

Le coup de génie ? Ils ont associé leur musique au challenge. Rapidement, tout le monde a commencé à faire le Mannequin Challenge sur leur morceau. « Les gens ont commencé à se demander mais quel est ce morceau qui tourne derrière ? » Résultat : les écoutes sur les plateformes de streaming ont explosé, propulsant le titre à la première place des charts. C’est une parfaite illustration d’une stratégie de growth hacking appliquée au marketing musical.

De Big Shaq à Rich Chiga : le pouvoir de l’ironie et du décalage

D’autres artistes ont percé grâce à un savant mélange de sérieux et d’absurdité. Big Shaq, à l’origine un comédien, a créé un personnage de rappeur parodique qui est devenu un phénomène mondial avec son titre « Man’s Not Hot ». Le décalage entre la production musicale très sérieuse (de la grime londonienne) et les paroles complètement absurdes a créé un effet comique irrésistible et viral.

De même, l’artiste indonésien Rich Chiga a explosé avec un clip où il reprenait tous les clichés du rap américain tout en étant habillé « comme un petit bourgeois avec un polo rose et une petite banane sur le côté ». Ce contraste a suscité la curiosité. « Les gens se sont posé la question mais est-ce qu’il est sérieux ou pas, en fait ? » C’est cette ambiguïté, ce jeu entre le premier et le second degré, qui a capté l’attention et lancé sa carrière.

Les leçons d’entrepreneuriat au-delà du rap

Les stratégies observées dans le hip-hop dépassent largement le cadre musical. Elles s’appliquent à tous ceux qui veulent construire une marque forte.

Kris Jenner et les Kardashian : un empire bâti sur la controverse

Chris a consacré une vidéo à Kris Jenner, la matriarche de la famille Kardashian, un choix qui a pu surprendre son audience habituelle. « J’ai une fascination pour tous les gens où tout le monde croit qu’ils sont genre débiles, qu’ils font du contenu de merde et derrière, ils ont fait un milliard », expliquais-je à Chris. La famille Kardashian a appliqué un playbook très proche de celui du milieu du rap : utiliser une plateforme (la télé-réalité) pour construire une notoriété immense et la décliner ensuite en une multitude de business.

La vidéo sur Kris Jenner a permis à Chris de toucher un public plus large, prouvant que les principes de personal branding et de monétisation d’audience sont universels.

Conseils à un jeune entrepreneur : croire en sa passion

Pour conclure, Chris partage le conseil qu’il se donnerait à lui-même à 20 ans : « Fonce, en fait. Fais vraiment ce que tu aimes. » Il insiste sur l’importance de l’authenticité. « Plus tu fais quelque chose qui te ressemble, qui te correspond et pour lequel tu es passionné, plus tu as de chances d’obtenir des résultats. » À une époque où il doutait, se comparant aux autres, il aurait aimé entendre qu’il fallait se concentrer sur ses propres forces et sa propre vision. C’est en étant fidèle à sa passion pour le hip-hop et le marketing qu’il a réussi à créer un projet unique et à rassembler une audience engagée.

Questions fréquentes sur le marketing musical et la stratégie de contenu

Comment les rappeurs utilisent-ils leur musique pour construire des empires ?

Les rappeurs utilisent leur musique comme un produit d’appel pour bâtir une marque personnelle forte. Ils font ensuite levier sur cette marque pour lancer diverses entreprises comme des labels de musique, des lignes de vêtements, des marques d’alcool ou des agences, créant un écosystème où chaque activité renforce les autres.

« Vous avez un artiste qui est capable de faire levier sur sa musique pour construire un label, pour construire une marque de vodka, une boîte de nuit et une ligne de vêtements. Et tout entrepreneur qui cherche à construire comme ça un vrai empire, en se servant d’un premier produit… peut s’en inspirer. »

Quelle est l’importance d’un format vidéo unique pour réussir sur YouTube ?

Un format vidéo unique et bien défini, comme « Le Lifestyle Décodeur », est crucial pour se différencier dans un environnement saturé. Il permet de créer une identité forte, de fidéliser une audience en créant un rendez-vous et d’aborder des sujets de manière originale, ce qui accélère considérablement la croissance de la chaîne.

« Si je dois me lancer sur YouTube, il faut que ce soit un format qui soit vraiment à l’image de ce que je suis. Il faut que le format te corresponde vraiment et que ça sorte de tes tripes, entre guillemets. »

Est-il nécessaire de publier une vidéo par semaine pour grandir sur YouTube ?

Oui, la régularité est un facteur clé. Publier une vidéo par semaine à un jour et une heure fixes crée une discipline pour le créateur, un rendez-vous pour l’audience et envoie des signaux positifs à l’algorithme de YouTube, qui tend à favoriser les chaînes constantes et fiables.

« Pour le public, ça permet vraiment de pouvoir te suivre. À partir du moment où tu donnes des jours… les gens, en fait, s’attendent à te voir ce jour-là, donc ils se préparent mentalement. »

Comment les artistes musicaux utilisent-ils le marketing viral aujourd’hui ?

Les artistes utilisent des stratégies de marketing viral en créant ou en s’associant à des mèmes et des challenges sur les réseaux sociaux. L’objectif est de rendre leur musique omniprésente de manière ludique et participative, incitant le public à la partager massivement, ce qui peut propulser un titre au sommet des classements.

« Il y a des idées marketing virales complètement folles qui cartonnent actuellement dans l’industrie musicale et qui ne demandent qu’à être adaptées au business qui a le web. »

Comment monétiser une audience au-delà de la publicité YouTube ?

La monétisation moderne va au-delà de la publicité en se concentrant sur la construction d’une marque. Cela implique de vendre un « lifestyle » et de proposer des produits dérivés (merchandising, vêtements), des services (consulting) ou d’autres contenus (musique, formations), en capitalisant sur l’attention et la confiance de son audience.

« Aujourd’hui, quand tu es un influenceur, l’idée c’est de se faire connaître, d’être suivi, et derrière après, tu peux développer d’autres business. Donc lui, dans son cas [Jake Paul], ça va être la musique… et derrière, il y a le merchandising. »

Qu’est-ce que le « memejacking » et comment fonctionne-t-il en marketing musical ?

Le « memejacking » est une technique qui consiste à s’approprier un mème ou un challenge déjà viral et à y associer sa propre musique. Comme l’a fait le groupe Rae Sremmurd avec le Mannequin Challenge, cela permet de surfer sur une tendance existante pour donner une visibilité massive et quasi instantanée à un morceau.

« Le groupe de rap qui est donc Rae Sremmurd, il s’est dit OK, on a un single qui tourne bien… on va se filmer sur scène en faisant le Mannequin Challenge… et c’est à partir de là que tout le monde s’est mis à répéter ce challenge sur ce morceau-là. »

Pourquoi l’industrie musicale privilégie-t-elle les singles aux albums ?

L’industrie privilégie les singles à cause du streaming et de l’économie de l’attention. Un single est plus facile à consommer et à partager, permettant de créer un buzz rapidement. Les artistes sortent une série de singles pour capter une audience avant d’éventuellement compiler ces succès dans un projet plus long comme un album.

« L’état de l’industrie actuellement, c’est que on est très tourné vers le single, on est plus sur l’album. L’idée, c’est d’avoir le bon single qui capte l’audience, qui attire l’audience. »

Quelle est la stratégie business de la famille Kardashian selon Chris Kapongo ?

Selon Chris Kapongo, la famille Kardashian, menée par Kris Jenner, a appliqué une méthodologie business proche de celle du milieu du rap. Ils ont utilisé une plateforme médiatique (la télé-réalité) pour construire une notoriété massive et controversée, qu’ils ont ensuite capitalisée pour lancer de multiples entreprises à succès.

« La famille Kardashian, c’est une famille qui fait de la télé-réalité, c’est aussi des génies du business et qui ont vraiment appliqué un playbook, un système, une méthodologie qui est assez proche de ce qu’on a pu voir dans le milieu du rap. »


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