Logo de l'épisode Attaquer un marché de niche avec une grosse demande - avec Amin Lams du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Attaquer un marché de niche avec une grosse demande – avec Amin Lams

Épisode diffusé le 18 septembre 2018 par Marketing Mania

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La découverte d’un marché de niche : l’eldorado des professeurs

Je suis un peu un hyperactif, c’est-à-dire que très souvent, j’ai besoin de lancer des nouveaux projets, des nouveaux challenges. Et là, j’ai un projet qui me tenait à cœur depuis à peu près un an et demi, deux ans. C’est un projet pour les professeurs des écoles, pour les instituteurs. C’est une plateforme où les gens peuvent télécharger ou mettre en ligne des ressources pédagogiques.

D’une idée personnelle à une opportunité de business

Comment ça m’est venu ? En fait, ma femme est institutrice depuis 2010. Il y a quelques années, on prévoyait de faire un tour du monde, et elle se demandait comment elle pourrait avoir de l’argent. Je lui ai dit : ‘Bah, regarde, tu crées déjà beaucoup de trucs pour ta classe.’ Il y a deux catégories de profs : ceux qui n’en ont rien à faire, et ceux qui passent leur vie à préparer leurs cours. Ma femme est dans cette deuxième catégorie. Elle prépare énormément de choses.

Il y a un peu plus de deux ans, je lui ai suggéré : ‘Pourquoi tu ne le mets pas en ligne et tu essaies de le vendre ?’ Elle a donc préparé un premier produit. C’était un pack de jeux de société qu’elle a créés sur PowerPoint, des choses très simples comme des cartes ou des plateaux de jeu pour réviser les fractions, les multiplications, etc. L’idée est simple : tu imprimes, tu plastifies, et les élèves peuvent jouer en classe. La pédagogie par le jeu permet de beaucoup mieux apprendre. En plus, quand un élève explique à un autre, la compréhension est meilleure pour les deux.

Des chiffres qui défient toute logique marketing

Suite à cela, on a lancé un blog, et j’ai vu des choses que je n’avais jamais vues de ma vie sur le web, alors que ça fait 7 ans que je travaille dans ce domaine. Par exemple, tu lances une campagne Facebook et tu obtiens des inscrits hyper qualifiés à 12 centimes le mail. Les gens s’inscrivent à la mailing list avec des taux de conversion de fou, des taux d’ouverture à 80 %. On reçoit même des réponses au mail de bienvenue où les gens nous disent : ‘Merci de m’avoir accepté dans tes contacts.’ C’était incroyable.

On a donc vendu un premier produit, et ça a marché. On a attendu un peu, on en a vendu un deuxième, et ça a cartonné. Le marché des instituteurs du primaire et du maternel en France, c’est environ 400 000 personnes. C’est déjà un gros marché de base. Aujourd’hui, avec 12 000 personnes sur notre liste email, on touche à peine 3 % du marché, et encore, on a des Suisses, des Belges, des Canadiens. Ce qui est fou, c’est qu’on touche quasiment personne pour le moment, mais on arrive déjà à faire des chiffres intéressants.

Stratégie et monétisation dans un marché sous-exploité

Le taux de réactivité est dingue. Chaque personne sur la liste email nous rapporte plusieurs euros au total. À chaque promotion, on gagne un peu plus de 1 € par contact. Quand j’avais 5 000 contacts, une campagne email générait 5 000 €. Trois mois plus tard, avec 8 000 contacts, on faisait environ 8 000 €. J’ai l’impression que ceux qui n’ont pas acheté la fois d’avant achètent la fois d’après. Globalement, sur les dernières promos, on faisait environ 1 € à 1,20 € par contact.

Une stratégie de prix bien pensée

Au début, on n’était pas d’accord sur les prix. Ma femme voulait vendre pas cher, et je lui ai dit de vendre plus cher. On s’est mis d’accord : on vend le pack de 45 plateaux de jeux à 57 €, non pas pour le vendre à ce prix, mais pour pouvoir faire des promos à 27 € de temps en temps. Comme on a créé plusieurs packs, on fait une promo tous les deux mois environ. Le pack passe de 57 € à 27 €, mais si tu prends deux niveaux, tu peux les avoir pour 37 €, et le panier moyen final est souvent de 45 ou 50 €. On a même eu des commandes hors promo à 110 ou 120 €.

Pourquoi ce marché est-il resté un secret si longtemps ?

Ce que je décris, c’est un peu l’Eldorado dont rêve tout marketeur : trouver une niche énorme où il n’y a personne. C’est pour ça que ça fait deux ans que j’en parle pas. Je me disais que si ça tombait dans les mains des marketeurs, ils allaient l’attaquer. Mais maintenant, j’en parle sans souci, car si tu n’as que le côté marketeur, tu es cuit.

Ma grande chance, c’est que je suis associé avec ma femme qui est institutrice. À chaque fois que je fais un mailing de vente agressif, elle le supprime et le réécrit ‘en mode prof’. Elle enlève l’urgence, les ‘c’est maintenant ou jamais’, les ‘à quoi ressemblera ta vie si tu n’achètes pas cet exercice de maths’. Les quelques fois où j’ai essayé, le taux de désabonnement était fou, les gens se sont braqués. Elle, elle l’écrit comme si elle partageait avec ses collègues, et ça marche carrément bien. Si tu n’as pas cette sensibilité et cette vision du métier de l’intérieur, c’est difficile à faire.

Passer à l’échelle : créer une marketplace pour les enseignants

On a remarqué qu’à chaque fois qu’on lançait un nouveau produit, on faisait de l’argent. Le problème, c’est que lancer un nouveau produit prend beaucoup de temps, car ma femme est super perfectionniste. Elle va mettre plus d’un mois et demi, voire deux, à créer un produit à temps partiel. Je suis le mec derrière qui regarde les chiffres et je me dis : ‘On a un goulot d’étranglement dans notre business. On ne peut pas grossir autant qu’on veut, car une seule personne fait le produit’.

De producteur unique à plateforme collaborative

On s’est donc dit : ‘On va créer une place de marché où tous les instits de France et d’ailleurs peuvent créer leurs propres produits et les mettre en vente.’ Ça donnera l’opportunité à beaucoup de gens qui ont des trafics énormes sur leurs blogs mais ne savent pas comment installer un bouton de paiement Stripe ou n’ont même pas conscience de l’opportunité financière.

On a regardé ce qui se faisait ailleurs. Aux États-Unis, il y a un site qui cartonne, Teachers Pay Teachers. Les derniers chiffres que j’ai trouvés, datant de 2015 ou 2016, montraient que 10 profs étaient déjà devenus millionnaires grâce à ça. C’est devenu une institution. Quand tu es prof aux États-Unis, tu utilises forcément Teachers Pay Teachers.

Le défi de la marketplace : l’œuf ou la poule ?

Quand tu lances une marketplace, tu lances deux business en parallèle. Un e-commerce où les gens achètent des ressources, et un autre où tu vends une opportunité à des créateurs de gagner de l’argent. C’est le fameux problème de l’œuf ou de la poule : pourquoi un créateur viendrait si tu n’as pas de clients ? Et pourquoi un client viendrait si tu n’as pas de créateurs ?

Très rapidement, en quelques semaines, on a vu un énorme écart se creuser : beaucoup de gens venaient télécharger, mais peu de personnes venaient créer des ressources. Notre priorité est donc claire : trouver des créateurs. Sur Airbnb, ils ont commencé par importer les annonces de Craigslist. Nous, on doit activement chercher l’offre.

Stratégie d’acquisition : comment remplir la marketplace

Notre plan d’attaque pour attirer des créateurs est en plusieurs étapes. La première idée est de démarcher les vendeurs francophones sur les autres plateformes comme Teachers Pay Teachers. Je vais même recruter un assistant pour dire aux blogueurs : ‘Si vous avez la flemme, on s’occupe de tout. Donnez-nous juste vos ressources, et on crée les fiches produits pour vous.’ L’objectif est d’alimenter manuellement notre marketplace au début.

Cibler la longue traîne face à la ‘mafia’ des gros blogueurs

On a pensé à contacter les gros blogueurs qui ont des centaines de milliers de visiteurs. Mais on s’est rendu compte que c’est une sorte de mafia, ou plutôt une communauté très organisée avec ses propres règles. L’une d’elles est que la majorité des produits doit être gratuite. Ils ont un forum privé et se sont mis d’accord pour ne pas participer à notre aventure pour le moment.

Ce n’est pas grave. On va faire comme ailleurs : attaquer la longue traîne. Il y a des dizaines de milliers de profs qui ont des blogs, qui ne font pas partie de cette communauté et qui aimeraient gagner de l’argent. Un gros blogueur, même en monétisant mal avec AdSense, peut gagner 800 ou 1000 €. Mais les petits blogs ne gagnent rien. C’est eux qu’on peut aider. On va commencer par l’extérieur pour ensuite rentrer vers le cœur. J’espère qu’à un moment, la plateforme sera tellement grande qu’elle deviendra incontournable, ‘so big they can’t ignore you’.

Le plan d’action pour recruter les créateurs

Concrètement, j’ai fait un listing des blogs avec leur ancienneté et une estimation de trafic. Tous les jours, je leur envoie un message pour leur présenter l’idée. Quand ils sont réticents, je leur dis : ‘Mets juste deux ressources en ligne, ça te prendra une demi-heure. Tu verras bien si tu génères des ventes.’ Aujourd’hui, quasiment 100 % des créateurs sur notre site ont gagné de l’argent. Même si c’est juste 1,65 €, recevoir cette notification de commission peut provoquer un déclic.

Pour chouchouter nos premiers créateurs, on va leur envoyer un cadeau à la rentrée, comme un joli sac cabas avec notre logo. Ça va leur faire plaisir, et ça fera de la pub dans les écoles quand leurs collègues verront le sac. Notre but est de les motiver à ajouter d’autres ressources et à parler de nous.

Les prochains mois : croissance et objectifs

Mon objectif principal sur ce business est d’avoir 1 000 créateurs inscrits d’ici le 31 décembre. Aujourd’hui, on en a 100. C’est possible, car la croissance s’accélère. Avec 1 000 créateurs, même si seulement 200 ou 300 sont actifs, ça commencera à faire une boutique vivante. En termes de chiffre d’affaires, je n’ai pas d’objectif précis. Ça pourrait faire 500 000 € l’année prochaine comme ça pourrait faire 20 000 €. La différence se jouera sur un déclic : un gros blogueur qui parle de nous, un mot-clé qui décolle en SEO… Notre travail est de multiplier les points de contact pour provoquer cet appel d’air.

Les actions clés pour les trois prochains mois

Premièrement, à la rentrée, je vais lancer des campagnes de visibilité avec des articles invités ou sponsorisés. Deuxièmement, on va continuer de chasser les créateurs, notamment les Français présents sur les plateformes américaines et canadiennes, en leur proposant de tout faire pour eux. Troisièmement, c’est de faire des campagnes de notoriété sur Facebook pour que les gens sachent qu’on existe.

Parallèlement, je continue le projet avec ma femme, qui génère de l’argent ‘à la demande’ via des campagnes email. La dernière promotion a rapporté 12 000 ou 13 000 € en 4 jours. À la rentrée, l’objectif est de faire 20 000 €, et pour ça, je vais devoir investir plus en publicité Facebook. Je sais que je suis encore très large sur les budgets que je peux allouer avant que l’élastique ne pète.

La leçon la plus importante : rester focus

Si je pouvais donner un conseil à mon moi de 20 ans, ce serait de croire en ses rêves, car tout est possible. Mais le conseil le plus personnel que je me donnerais, c’est de rester focus. Je suis hyperactif et je me disperse facilement. Il y a un an, j’ai même acheté une pizzeria ! Ce fut une galère sans nom qui m’a coûté beaucoup de temps et d’énergie. Cette expérience m’a appris à me concentrer sur ce qui marche et sur ce que je sais faire, et à arrêter de courir après tout ce qui brille.

Questions fréquentes sur le lancement d’un business en marché de niche

Comment trouver une niche rentable pour un business en ligne ?

La meilleure méthode est souvent d’observer les besoins non satisfaits de votre entourage ou dans un domaine que vous connaissez bien. Amine a découvert sa niche grâce à sa femme institutrice, qui créait ses propres supports de cours par nécessité, révélant ainsi une forte demande non comblée.

‘Et comment ça m’est venu ? En fait, ma femme est institutrice, professeur des écoles… il y a un peu plus de 2 ans, je lui dis « Bah, pourquoi tu le mets pas en ligne ? Pourquoi tu le mets pas en ligne et tu essaies de le vendre ? »‘

Est-il possible de monétiser un blog éducatif ?

Oui, et cela peut être extrêmement rentable. Le blog de la femme d’Amine génère plus d’un euro par contact email à chaque campagne promotionnelle, ce qui prouve qu’il existe une forte demande pour des ressources pédagogiques payantes de qualité.

‘à chaque promo environ, on gagne un peu plus que 1 € par contact inscrit à la liste email… à un moment, quand j’avais 5 000 contacts et que je lançais un mail à 5 000 contacts, je faisais 5 000 €.’

Quelle est la meilleure stratégie pour lancer une marketplace ?

Pour résoudre le dilemme de ‘l’œuf et la poule’, il est crucial de se concentrer sur l’acquisition de l’offre en premier, c’est-à-dire les créateurs de contenu. Amine a priorisé le recrutement de professeurs pour remplir sa plateforme avant d’investir massivement en publicité pour attirer les acheteurs.

‘très rapidement, en quelques semaines, il y a eu un écart qui s’est creusé énormément entre beaucoup de gens qui viennent télécharger des trucs et peu de personnes qui viennent créer. Donc, nous, on a eu plein d’idées… La première idée, c’était d’aller voir sur d’autres marketplaces.’

Comment vendre à un public qui n’aime pas le marketing agressif ?

L’authenticité et l’empathie sont fondamentales. Il faut adopter le langage et la sensibilité de la cible. La femme d’Amine réécrivait tous ses emails marketing pour qu’ils sonnent comme un partage entre collègues, une approche qui s’est avérée beaucoup plus efficace.

‘à chaque fois que je fais un mailing de vente agressif… elle le prend, elle supprime tout et elle l’écrit en mode prof, tu vois ce que je veux dire… elle l’écrit comme si elle partageait à ses collègues, tu vois. Et en fait, ça marche carrément bien.’

Quel est le potentiel financier d’un business de ressources pédagogiques ?

Le potentiel est immense. Le succès du site américain ‘Teachers Pay Teachers’, qui a créé plusieurs millionnaires, le prouve. En France, le marché de 400 000 instituteurs est encore largement sous-exploité, offrant une opportunité considérable.

‘il y a un site justement, une place de marché comme ça qui cartonne aux États-Unis… à l’époque tu avais déjà 10 profs qui avaient été millionnaires grâce à ça.’

Comment convaincre des créateurs de rejoindre sa plateforme ?

En leur simplifiant la tâche au maximum et en leur montrant le potentiel de gain rapidement. Amine propose de créer lui-même les fiches produits pour les blogueurs et de ‘chouchouter’ ses premiers créateurs avec des cadeaux et un suivi personnalisé pour les motiver.

‘je vais recruter un assistant pour lui dire « Bah, écoute, si le blogueur, il a la flemme de faire ses fiches produits, nous, on fait les fiches produits, on refait tout. » Juste, il faut que le mec, il nous donne les ressources.’

Les professeurs sont-ils prêts à acheter des ressources en ligne ?

Oui, pour deux raisons principales. Soit pour offrir le meilleur contenu possible à leurs élèves, soit pour gagner un temps précieux en utilisant des supports ‘clé en main’. Beaucoup sont prêts à payer de leur poche ou via la coopérative scolaire.

‘on peut toucher à la fois ceux qui veulent proposer le meilleur à leur classe… Et on peut aussi toucher ceux qui ne veulent rien faire et qui se disent « J’ai un truc clé en main. »‘

Quel est l’avantage de cibler la ‘longue traîne’ de blogueurs ?

Les ‘gros’ blogueurs sont souvent organisés en communautés avec des règles strictes et peuvent être réticents à la monétisation directe. La ‘longue traîne’, composée de milliers de petits blogs non monétisés, représente une opportunité immense et plus accessible pour démarrer.

‘tu as la partie émergée de l’iceberg, donc tu as les gros, et tu as la longue traîne. Tu as toutes ces dizaines et ces dizaines de profs… qui aimeraient pouvoir gagner de l’argent.’


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