Logo de l'épisode Votre produit est le meilleur marketing - avec Guillaume Passaglia (viedemerde.fr, 5euros.com) du podcast Marketing Mania - Conversations d'entrepreneurs

Votre produit est le meilleur marketing – avec Guillaume Passaglia (viedemerde.fr, 5euros.com)

Épisode diffusé le 15 janvier 2019 par Marketing Mania

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Votre produit est le meilleur marketing : la philosophie de Guillaume Passaglia

Guillaume Passaglia a cofondé des projets aussi connus que variés : Vie de merde, le site culte de partage d’anecdotes ; 5euros.com, la marketplace de micro-services ; et BetaSérie, l’application de suivi de séries TV. À première vue, aucun lien évident entre un site d’humour, une plateforme de freelance et un outil pour sériephiles. Pourtant, comme il l’explique, le succès de chacun de ses sites repose sur une seule et même conviction : le meilleur marketing n’est pas une couche que l’on ajoute après coup, mais il est intrinsèquement lié au produit lui-même. C’est l’art de faire évoluer son projet en écoutant et en répondant aux besoins de sa communauté. Plongeons dans cette approche du marketing de produit à travers son parcours d’entrepreneur.

Gérer plusieurs projets : l’art d’être un entrepreneur multi-casquettes

Beaucoup d’entrepreneurs se heurtent au danger de la dispersion. Pourtant, Guillaume Passaglia jongle avec plusieurs projets d’envergure. Comment y parvient-il ? Sa première réponse est claire : l’entourage. « En fait, déjà, je je suis pas seul, c’est ça c’est important euh d’être entouré des des bonnes personnes et des personnes au bon poste, ça c’est capital parce que bien entendu, euh je vais pas pouvoir tout gérer tout seul et tout manager, c’est impossible. »

Son implication varie selon les projets. Il est au cœur de l’action sur BetaSérie et 5euros.com, ses occupations quotidiennes, tandis qu’il adopte une posture plus proche de celle d’un investisseur pour AdBack, apportant son expertise sur demande. Sa spécialité, c’est de monter des communautés. Cette compétence est le fil rouge qui relie ses succès, de Vie de merde à 5euros.com.

Son rôle au quotidien est celui d’un chef d’orchestre : il apporte la motivation, les grandes lignes directrices, et maintient la vision. Mais il n’hésite pas à descendre dans la tranchée. « Je suis là aussi au quotidien bah pour faire les tâches quand les salariés sont sont en vacances, soient euh soient juste en week-end parce que une communauté, ça ne s’arrête jamais. » Cette polyvalence, passant du très haut niveau stratégique au très bas niveau opérationnel, est une clé de sa méthode.

5euros.com : réinventer le modèle économique de la marketplace

Lancer une marketplace est un défi de taille, notamment à cause du fameux problème de l’œuf et de la poule. Mais avant même de s’attaquer à ce problème, Guillaume a repensé le cœur du système : le modèle économique.

Un modèle économique plus juste pour les vendeurs

En observant les concurrents comme Fiverr, un constat l’a frappé : une commission de 15% à 20% sur chaque transaction lui semblait être « du vol ». Pour lui, la plateforme offre le même service de mise en relation, que la commande soit de 10 € ou de 1000 €. Pourquoi la commission devrait-elle exploser avec le prix ?

C’est de cette réflexion qu’est né le modèle de 5euros.com : une commission fixe de 1 €. « Sur 5 €, par exemple, au tout début, on on se disait euh ‘voilà, on va on va être et on l’est toujours, hein, très respectueux des vendeurs, on va leur prendre vraiment le minimum d’argent et on faisait une commission qui était à 1 € fixe, quel que soit le montant de la commande.' »

Bien sûr, ce modèle a dû évoluer pour assurer la rentabilité. Aujourd’hui, pour bénéficier de cette commission avantageuse sur les grosses commandes, les vendeurs peuvent souscrire à un compte premium mensuel. Ce système offre une prévisibilité des coûts pour les vendeurs et un revenu stable pour la plateforme, tout en restant le site « qui reverse le plus d’argent aux vendeurs ».

La comparaison avec Fiverr : plus qu’une simple inspiration

Si l’idée de base est similaire à celle de Fiverr, la différence fondamentale réside dans l’exécution et l’adaptation culturelle. Fiverr, un site israélien qui a conquis le marché américain, a échoué à s’implanter en Europe continentale. La raison ? Une approche trop américaine. « Les Américains ils aiment les choses un petit peu bourrines, un petit peu euh c’est moi le meilleur, enfin, on est les meilleurs… Nous, on n’est pas comme ça en France. »

5euros.com a adopté une communication plus européenne, plus proche de ses utilisateurs. Le nom lui-même, simple et explicite pour un public francophone, contrastait avec « Fiverr », un terme qui ne résonne pas de la même manière en France. L’autre différence majeure est bien sûr la commission, qui a créé un appel d’air pour les vendeurs cherchant une alternative à Fiverr en France.

Le défi de l’œuf et de la poule : lancer une marketplace de zéro

Comment attirer des acheteurs sans vendeurs, et des vendeurs sans acheteurs ? C’est le problème fondamental de toute marketplace. Pour Guillaume, la réponse est la même que pour tout développement de communauté : il faut partir de zéro et construire patiemment.

La première étape a été d’aller chercher le « cœur de communauté » avec son « bâton de pèlerin ». « On est allé aller voir ces personnes une par une et on est allé leur parler du projet. Et au fur et à mesure, bah, ils ont trouvé ça intéressant parce que, justement, l’idée de base était intéressante. »

Une fois les premiers centaines de vendeurs et de services en ligne, un autre acteur est entré en jeu : Google. La structure de 5euros.com est un atout SEO majeur. Chaque service est une page avec du contenu unique, souvent de plus de 500 caractères. « Plus on avait de vendeurs, plus on avait de de services en ligne, mieux le site était référencé. Donc, à partir de là, euh plus les plus les clients, pardon, arrivaient sur le site. » La base de vendeurs a ainsi généré le référencement qui a attiré les clients, résolvant le paradoxe de la marketplace.

Vie de merde (VDM) : la genèse d’un phénomène viral

Bien avant 5euros.com, Guillaume s’est fait connaître avec Vie de merde, un site qui a marqué toute une génération d’internautes à la fin des années 2000.

D’un channel IRC de gamers à un succès national

L’histoire de Vie de merde est celle d’une idée née presque par hasard. Tout a commencé sur un canal de discussion IRC, l’ancêtre de Discord, où Guillaume et ses amis gamers avaient pris l’habitude de raconter leurs galères du quotidien en commençant par « Aujourd’hui » et en finissant par « VDM ». « C’était des trucs à la con, hein, c’est euh je me rappelle euh genre aujourd’hui mon frigo s’est décongelé tout seul VDM. »

Un jour, son associé Maxime a eu l’idée de compiler ces anecdotes sur un site web, juste pour le plaisir. Le site a commencé à circuler dans leur réseau et, lors d’une compétition de jeux vidéo, ils se sont rendu compte que les serveurs avaient planté à cause d’un afflux massif de visiteurs. Le potentiel était là. Ils ont alors ajouté un formulaire pour que les gens puissent soumettre leurs propres VDM, et le site a explosé. La monétisation, initialement refusée par la plupart des régies publicitaires à cause du nom jugé trop vulgaire, a finalement rapporté 15 000 € dès le premier mois.

« Tu l’as bien mérité » : la psychologie derrière le succès

Un des éléments géniaux de VDM est le système de vote. Au lieu d’un simple « j’aime / j’aime pas », les utilisateurs ont deux choix : « Je valide, c’est bien une VDM » ou « Tu l’as bien mérité ». Pourquoi ce deuxième choix contre-intuitif ?

« Le tu l’as bien mérité, c’est pour en en ajouter une couche, si tu veux. C’est-à-dire que tu peux avoir euh tu peux dire, ‘ouais, mec, OK, je valide, c’est une VDM, mais quand même ce que tu as fait, tu aurais pu l’éviter, quoi’. » Ce bouton transforme le lecteur en un juge un peu sadique, ce qui est beaucoup plus engageant et humoristique qu’un simple sondage. C’est un plaisir coupable qui a grandement contribué à l’addiction du site.

De l’écran au papier : la publication des livres VDM

L’idée de transformer un concept web en livre, aujourd’hui banale, était révolutionnaire en 2008. L’objectif était simple : « franchement, j’adorerais offrir Vie de merde à ma grand-mère. » La plupart des éditeurs étaient sceptiques, se demandant pourquoi les gens paieraient pour un contenu disponible gratuitement en ligne. Mais Michel Lafon a vu le potentiel : un formidable cadeau à offrir. Le premier livre, illustré par Pénélope Bagieu, s’est vendu à 100 000 exemplaires la première année, prouvant que le passage du virtuel au réel pouvait être une stratégie gagnante pour partager un univers qu’on aime.

BetaSérie : la data comme moteur de croissance

BetaSérie, un autre projet de longue date, illustre une facette différente de la philosophie de Guillaume : un modèle économique basé sur la data, sans aucune publicité.

D’un outil personnel à une mine de données

Le projet est né d’un besoin simple à l’époque de l’explosion des séries comme Lost ou Prison Break : suivre les épisodes qu’on avait vus. « On s’est dit ‘Bon, il y a peut-être un outil qui existe déjà.’ Bah, il n’y en avait pas. Donc, Maxime l’a l’a créé tout simplement. »

Ce qui a commencé comme un simple agenda de séries est devenu, au fil des ans, une immense communauté et surtout une base de données extrêmement précieuse. Contrairement à Netflix qui ne connaît que ses propres spectateurs, BetaSérie a une vue transversale sur ce que les gens regardent, peu importe la plateforme. « TF1 a les données de TF1, Netflix a les données de Netflix… nous, on a les données de tout le monde. »

Un modèle économique sans publicité, centré sur la donnée

Cette richesse de données a permis un modèle économique sans publicité, afin de ne pas dégrader l’expérience utilisateur. « L’expérience utilisateur serait vraiment trop dégradée. Donc nous, on n’a jamais voulu mettre de pub sur BetaSérie. »

La monétisation provient de la vente de statistiques anonymisées à des acteurs de l’industrie audiovisuelle comme Médiamétrie. Ces données déclaratives, bien plus précises que les sondages, les aident à comprendre les habitudes de visionnage. C’est une stratégie qui, selon Guillaume, offre plus d’opportunités financières que la publicité, tout en respectant l’utilisateur.

La philosophie du marketing par le produit

À travers ces trois projets, une vision cohérente émerge. Le succès ne vient pas de campagnes marketing coûteuses, mais d’une obsession pour le produit et la communauté qui l’entoure.

Construire avec sa communauté, pas pour elle

La clé est de ne jamais supposer ce que les utilisateurs veulent. Le produit doit être co-construit avec eux. L’outil le plus important pour cela ? Le support client. « Finalement, le l’outil le plus important, c’est le support. C’est là où vraiment tu vas comprendre quels sont les points bloquants parce qu’en général, les gens en parlent. »

Sur 5euros.com, un forum privé pour les vendeurs permet un contact direct et constant. Les idées et les problèmes remontés sont transformés en tâches concrètes via un système de gestion de projet. C’est cette boucle de rétroaction continue qui permet au produit de coller parfaitement aux attentes de ses utilisateurs. « Un site, ça se construit avec sa communauté. Obligatoirement. »

La croissance organique comme preuve d’un bon produit

Guillaume est un fervent défenseur de la croissance naturelle. Pour lui, un bon produit n’a quasiment pas besoin de budget marketing. « Quand on a un produit qui est bon, en fait, euh le le défi, c’est de dire la communication, elle doit valoir quasiment zéro parce que ton produit est bon. Donc, les gens devraient finir par l’utiliser. »

Si un produit ne décolle pas naturellement, si les premiers utilisateurs n’en parlent pas autour d’eux, c’est probablement un problème de produit, pas de marketing. Cette approche, bien que plus lente, garantit la construction d’une base solide et d’un produit qui a une réelle valeur. C’est la démonstration ultime que le produit est, et restera toujours, le meilleur des marketings.

FAQ sur la philosophie de Guillaume Passaglia

Quelle est la philosophie de Guillaume Passaglia sur le marketing de produit ?

Sa philosophie est que le meilleur marketing consiste à développer un produit qui évolue constamment en fonction des besoins réels de sa communauté. Le produit lui-même, par sa qualité et son adéquation avec le marché, devient le principal vecteur de sa propre promotion.

« Pour lui, le marketing c’est pas juste une activité que vous allez coller sur votre projet après coup pour essayer de convaincre les gens d’acheter votre produit. Au contraire, le meilleur marketing c’est de faire évoluer votre produit selon les besoins de votre communauté. »

Comment 5euros.com se différencie-t-il de son concurrent Fiverr ?

5euros.com se distingue principalement par un modèle économique plus juste pour les vendeurs, avec une commission fixe de 1€ (via un abonnement premium) au lieu d’un pourcentage élevé, et par une communication et une approche culturelle adaptées au marché européen, là où Fiverr a adopté une stratégie très américanisée.

« On a surtout changé la forme, la façon de, on va dire, de de parler, la façon de parler aux gens, la façon de communiquer sur le site, on l’a beaucoup plus fait à l’européenne. Et euh bah, on va surtout changer aussi la commission, hein, puisque eux sont à 20 % quel que soit le montant de la commande. »

D’où vient l’idée originale de Vie de Merde (VDM) ?

L’idée de Vie de Merde est née de manière organique sur un canal de discussion IRC (l’ancêtre de Discord) utilisé par une communauté de gamers. Ils avaient pris l’habitude de partager leurs galères quotidiennes sous un format spécifique, qui a ensuite été transposé sur un site web.

« À la base, c’était donc un un channel IRC. […] on avait pris l’habitude sur ce chan de raconter ce qui nous était arrivé dans la journée en commençant par aujourd’hui et en finissant par VDM. »

Comment Guillaume Passaglia a-t-il résolu le problème de l’œuf et de la poule pour lancer sa marketplace 5euros.com ?

Il a d’abord recruté manuellement les premiers vendeurs (« le cœur de communauté ») en leur présentant le projet directement. Une fois une base de services créée, le référencement naturel (SEO) généré par le contenu unique de chaque annonce de service a permis d’attirer les premiers clients de manière organique.

« On est allé aller voir ces personnes une par une et on est allé leur parler du projet. […] qui fait le job après pour nous pour justement euh récupérer des clients une fois qu’on a les vendeurs, c’est Google. »

Pourquoi le bouton « Tu l’as bien mérité » a-t-il été choisi sur VDM ?

Ce bouton a été choisi pour ajouter une dimension humoristique et engageante, transformant le vote en un jugement personnel plutôt qu’un simple « like » ou « dislike ». Il crée un « plaisir coupable » chez l’utilisateur et renforce le ton décalé du site.

« Le tu l’as bien mérité, c’est pour en en ajouter une couche, si tu veux. […] c’est un plaisir coupable, hein, de cliquer sur ‘tu l’as bien mérité’. »

Quel est le modèle économique de BetaSérie, et pourquoi n’y a-t-il pas de publicité ?

BetaSérie monétise les données de visionnage des séries de ses utilisateurs de manière anonymisée, en vendant des statistiques à des acteurs de l’industrie audiovisuelle. Il n’y a pas de publicité afin de préserver une expérience utilisateur fluide et agréable, ce qui est un choix stratégique.

« BetaSérie reste un système gratuit sans publicité, ça c’est important. […] L’expérience utilisateur serait vraiment trop dégradée. Donc nous, on n’a jamais voulu mettre de pub sur BetaSérie. »

Comment monétiser un site à forte audience sans dégrader l’expérience utilisateur ?

Guillaume Passaglia a utilisé deux approches : la publicité ciblée et non intrusive pour Vie de Merde, et un modèle basé sur la vente de données anonymisées pour BetaSérie. Le choix dépend du projet, mais l’objectif est de trouver une source de revenus qui ne nuit pas à l’utilisation principale du produit.

« La data est plus intéressante que la publicité actuellement, c’est c’est clair. […] On pense que c’est beaucoup mieux que ce soit pour les utilisateurs et aussi pour nous de faire ça. »

Selon Guillaume Passaglia, quand faut-il se lancer à l’international ?

Il conseille de d’abord bien maîtriser son marché local avant de s’étendre. L’internationalisation doit être préparée, notamment en adaptant le produit et la communication aux spécificités culturelles de chaque nouveau marché, comme il l’a fait avec succès pour Vie de Merde aux États-Unis.

« Faut savoir déjà bien bien maîtriser le le marché français, on est on n’est pas non plus euh voilà, gigantesque […] chaque chose en son temps. »


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