J’ai arrêté mon job de rêve : les coulisses de la reconversion d’Alex Vizeo
Pendant près de 10 ans, Alex Vizeo a incarné le rêve de milliers de personnes : être payé pour voyager aux quatre coins du monde. Avec plus de 100 000 abonnés sur YouTube et des millions de vues, il s’est imposé comme l’un des plus grands influenceurs voyage de France. Pourtant, fin 2019, il annonce publiquement sa décision de tout arrêter. Un virage à 90 degrés pour se lancer dans une nouvelle carrière de coach en branding. Dans cet échange avec Stanislas Leloup de Marketing Mania, Alex Vizeo dévoile les rouages de ce métier fantasmé, les raisons profondes de sa reconversion et les leçons universelles qu’il en a tirées.
Productivité et équilibre : les défis de l’entrepreneur à domicile
Avant de plonger dans le cœur de sa reconversion, la conversation s’ouvre sur un sujet d’actualité pour de nombreux entrepreneurs : le travail à domicile. Alex Vizeo partage son expérience du confinement, qui exacerbe les travers de l’entrepreneuriat.
Le piège du télétravail : quand la passion mène au surmenage
Pour Alex, comme pour beaucoup, la frontière entre vie professionnelle et personnelle est devenue floue. « Le problème c’est qu’on aime tellement notre travail et que ça nous passionne tellement… que c’est comme si tu vivais au bureau », confie-t-il. Sans les rituels qui rythment une journée de bureau classique, comme le trajet, la déconnexion devient un véritable challenge. Il raconte : « Vu que je ne peux pas sortir, en fait, je suis à fond dans les projets et au lieu de me mettre au diapason de la planète qui est de ralentir, j’ai l’impression que je vais un peu à contre-courant. »
Pour contrer cette tendance, il a mis en place une stratégie simple mais efficace : créer une césure par l’action. « Ce qui me permettait de casser ça, une césure, c’est du mouvement, c’est une action. C’est poser l’ordi, me changer, foutre mes baskets ou aller dans le jardin. C’est ça qui me fait vraiment sortir du mode Robocop travail. »
Le conditionnement pavlovien au service de l’efficacité
Stanislas Leloup abonde dans ce sens et insiste sur l’importance du conditionnement pour séparer les sphères de sa vie. « Il faut vraiment réfléchir en matière de conditionnement, quoi. Il faut devenir le chien de Pavlov et te dire OK, comment est-ce que je me conditionne pour bosser et pour être productif quand je bosse, mais aussi le truc inverse, comment est-ce que je me conditionne pour me détendre. »
Plusieurs techniques sont évoquées pour créer cette séparation essentielle à la santé mentale de l’entrepreneur :
- Avoir des espaces dédiés : même dans un petit appartement, dédier une table au travail et un canapé à la détente.
- Utiliser des appareils différents : un ordinateur pour le travail, un autre (ou une tablette/Chromecast) pour les loisirs.
- Créer des profils utilisateurs distincts : un profil “travail” et un profil “perso” sur le même ordinateur pour ne pas être tenté par les notifications ou les e-mails.
Alex Vizeo pousse cette logique encore plus loin en changeant de lieu au sein même de sa maison pour chaque type de tâche : « À chaque tâche différente, d’une thématique différente, je change de lieu. […] Le fait de faire une action en mouvement et de me mettre dans un autre lieu, mon cerveau, j’arrive à le conditionner. »
Monotâche vs Multitâche : trouver son propre rythme de croisière
La discussion révèle deux approches radicalement opposées de la gestion de projet. Stanislas se décrit comme un monotâcheur obsessionnel : « J’ai cette force de me concentrer sur un truc à la fois, et j’ai aussi cette faiblesse que je suis incapable de jongler plusieurs projets. » Cette nature l’oblige à organiser son travail en blocs successifs, comme dédier une semaine entière à l’enregistrement de podcasts. « Il faut qu’ils soient successifs pour moi, plutôt que parallèles, et dès qu’ils sont parallèles, ça m’ajoute beaucoup d’anxiété. »
À l’inverse, Alex se compare à un « écureuil » qui fait « 40 000 trucs à la fois », une tendance qui peut être fatigante et démotivante. Il reconnaît les bienfaits de l’approche de Stan : « Il y a un effet très positif dans ton process à toi, qui est de faire une seule chose, c’est que tu as le sentiment du travail accompli chaque jour. » Cette divergence illustre qu’il n’y a pas de méthode universelle, mais qu’il est crucial de comprendre sa propre nature pour structurer son travail de manière efficace et épanouissante.
Les vraies raisons derrière l’arrêt d’un job de rêve
Le cœur du podcast aborde la décision d’Alex de mettre fin à sa carrière d’influenceur voyage. Un choix qui a surpris, voire choqué, une grande partie de son audience et de son entourage.
L’incompréhension de l’entourage : quand les autres projettent leurs peurs
Alex raconte avec amusement le cycle des réactions qu’il a suscitées tout au long de sa carrière. Quand il a quitté son poste de cadre pour faire le tour du monde, on lui a dit : « Mais tu es fou ! ». Quand il a réussi à vivre du voyage, les mêmes personnes lui disaient : « Putain, mais c’est génial, tu as le plus beau job du monde ». Et finalement, quand il a décidé d’arrêter ce job de rêve, la réaction fut identique à la première : « Mais tu es fou, tu as le job dont tout le monde rêve. »
Sa conclusion est sans appel : « Les gens ne projettent pas sur toi des choses qu’ils aimeraient, ils font que projeter des peurs. […] C’est pour ça que les conseils en général, quand tu tentes quelque chose qui est un peu hors sentier battu, il faut éviter d’écouter les conseils des gens, surtout les négatifs, parce que c’est pas des vrais conseils. C’est juste des peurs projetées sur toi. »
La sortie de zone de confort comme moteur du changement
La première raison profonde de son arrêt est philosophique. Elle est liée à ses valeurs fondamentales : la liberté et la sortie de sa zone de confort. Après 10 ans à parcourir le monde, l’extraordinaire était devenu sa routine. « Quand ta zone d’inconfort devient ta zone de confort, c’est qu’il est temps pour toi de passer au prochain chapitre », explique-t-il. Il sentait qu’il était arrivé au bout d’un cycle. « Même si j’étais à l’autre bout du monde au Costa Rica, qu’il fallait ramener une vidéo, […] je savais comment ça allait se passer, comment j’allais réussir à créer du contenu, à raconter une histoire. […] Finalement, j’étais dans ma routine. »
Un alignement nécessaire : quand les valeurs écologiques prennent le dessus
La seconde raison est un conflit de valeurs. En tant que promoteur du voyage, Alex a commencé à questionner son propre impact sur la planète. « J’arrivais pas à me dire que ce que je faisais… il y a un jour, je me suis dit, putain, mais en fait, ce que je pensais être bien […], est-ce que j’ai pas fait une connerie, en fait ? Est-ce que j’ai pas desservi la planète ? »
Il a ressenti une dissonance entre son message et la réalité de son métier, notamment sa forte empreinte carbone. De plus, il a pris conscience qu’il incitait les gens à voyager sans forcément leur donner les clés pour le faire de manière responsable. « Je peux pas blâmer les gens de les avoir poussés à faire quelque chose sans leur avoir donné vraiment les clés. […] J’ai pas fait mon job à mon échelle. » Face à ce constat et avec l’humilité de reconnaître qu’il n’était plus un bon exemple, il a préféré se mettre en retrait.
Le business model d’un influenceur voyage : mythes et réalités
Comment un influenceur voyage gagne-t-il sa vie ? Alex démystifie le modèle économique de sa profession, loin des clichés de vacances perpétuelles.
Un prestataire de services avant tout
« J’étais rémunéré comme prestataire de service, comme créateur de contenu », clarifie-t-il. Son travail s’apparente à celui d’un photographe ou d’un vidéaste de mariage. Ses clients, à 90%, étaient des offices de tourisme étrangers qui le mandataient pour promouvoir une destination.
Le processus était contractuel et bien défini :
- Le brief : Un office de tourisme le contactait avec un objectif (ex: promouvoir la région de l’Ontario au Canada sur le thème de l’aventure).
- La négociation : Une discussion s’engageait sur le budget et les livrables (nombre de vidéos, de photos, de publications sur les réseaux sociaux).
- La production : Il partait en voyage pour créer le contenu convenu.
Loin d’être de simples vacances, chaque voyage était une mission professionnelle avec des objectifs précis et une grande quantité de travail à fournir.
Les coulisses des collaborations : l’importance des valeurs
Alex insiste sur le fait qu’il gardait le contrôle créatif et éthique sur ses collaborations. Sa ligne directrice était simple : « J’ai jamais mis en avant un service ou une prestation que je me serais pas offert moi dans un moment de kiff de vie. »
Il souligne l’importance du travail en amont pour s’assurer que la collaboration est alignée avec ses valeurs. « C’est à toi en tant qu’influenceur de dire, voilà, moi, je suis comme ça, voilà, mes valeurs, voilà, ce que j’aime faire. » Par exemple, il refusait systématiquement de promouvoir des activités liées à la captivité animale. Ce travail préparatoire est essentiel pour éviter les déconvenues et garantir l’authenticité du contenu, un pilier de la relation de confiance avec son audience.
Vers un nouveau chapitre : réinventer le voyage et sa carrière
Même s’il a tourné la page du métier d’influenceur voyage, Alex n’abandonne pas le sujet. Il souhaite l’aborder différemment, avec plus de recul et d’humilité.
Le futur du voyage : donner autant que recevoir
Sa nouvelle philosophie du voyage se résume en une question : « Qu’est-ce que tu vas donner à la destination que tu vas découvrir ? » Il prône un voyage qui n’est plus seulement dans la consommation d’expériences, mais dans la contribution. « Aujourd’hui, je voyage, je vais quelque part, je prends. […] Mais qu’est-ce que tu donnes en retour ? »
Il imagine un futur où les voyageurs consacreraient une partie de leur séjour à partager leurs compétences (informatique, enseignement, etc.) ou à participer à des projets locaux comme des collectes de déchets. Un tourisme plus lent, plus immersif et plus positif.
Cette transition de l’influence voyage au coaching en personal branding n’est finalement que la suite logique de son parcours : aider les autres à construire une carrière alignée avec qui ils sont vraiment, tout comme il l’a fait pour lui-même. C’est une démarche courageuse qui s’achève sur une citation qu’il affectionne particulièrement : « Si tu fais ce que tu as toujours fait, tu continueras d’obtenir ce que tu as toujours obtenu. » Une invitation à oser le changement pour créer la vie et la carrière que l’on désire vraiment.
Foire aux questions (FAQ)
Pourquoi Alex Vizeo a-t-il arrêté son métier d’influenceur voyage ?
Réponse directe : Il a arrêté pour deux raisons principales. D’une part, il sentait que ce métier, autrefois un défi, était devenu sa zone de confort et il avait besoin d’un nouveau chapitre pour évoluer. D’autre part, il ressentait un conflit entre ses valeurs écologiques et la promotion du voyage long-courrier, ne se sentant plus être un bon exemple.
Citation de l’épisode : « Quand ta zone d’inconfort devient ta zone de confort, c’est qu’il est temps pour toi de passer au prochain chapitre. […] N’ayant pas la bonne réponse, étant un très mauvais exemple parce que je prenais beaucoup l’avion, […] j’ai préféré aussi me mettre en retrait par rapport à ça. »
Comment un influenceur voyage gagne-t-il de l’argent ?
Réponse directe : Un influenceur voyage est principalement rémunéré comme un prestataire de services en création de contenu. Ses clients sont majoritairement des offices de tourisme qui le paient pour réaliser des vidéos, des photos et des publications promotionnelles sur une destination spécifique, selon un contrat et des livrables définis.
Citation de l’épisode : « J’étais rémunéré comme prestataire de service, comme créateur de contenu. Mes clients étaient à 80-90 % des institutionnels, c’était des offices de tourisme. […] On venait me dire Alex, salut, on aimerait bien que tu viennes vivre cette aventure […] et c’est combien le budget ? »
Le métier d’influenceur voyage est-il vraiment un job de rêve ?
Réponse directe : Oui, Alex Vizeo confirme que ce fut un « kiff monumental » pendant près de 10 ans, une fois la stabilité financière atteinte. Cependant, comme tout métier, il comporte ses propres défis, une routine et peut cesser d’être épanouissant lorsque les valeurs personnelles évoluent ou que le sentiment de défi disparaît.
Citation de l’épisode : « Je t’assure que c’était, ça a été un un kiff monumental pendant 10 ans. Au début, c’était dur parce que tu sais pas si ça va marcher […]. Mais à partir du moment où j’ai eu le premier contrat […], c’est bon, c’est chaque jour, c’était fou. »
Comment rester productif quand on travaille à la maison ?
Réponse directe : Pour rester productif, il est crucial de créer une séparation claire entre le travail et la vie personnelle. Les stratégies incluent le ‘conditionnement’ : utiliser des espaces, des appareils ou même des profils informatiques distincts pour le travail et les loisirs. Intégrer des actions physiques, comme faire du sport, peut aussi aider à marquer une césure nette.
Citation de l’épisode : « Il faut vraiment réfléchir en matière de conditionnement, quoi. Il faut devenir le chien de Pavlov et te dire OK, comment est-ce que je me conditionne pour bosser […] et pour me détendre et séparer les deux. »
Faut-il écouter son entourage pour une reconversion professionnelle ?
Réponse directe : Alex Vizeo conseille de ne pas trop se fier aux conseils extérieurs, surtout les plus négatifs. Il explique que les gens projettent souvent leurs propres peurs et leur propre vision du risque, qui ne correspondent pas forcément à la réalité de la situation ou à l’individu concerné. L’écoute de soi est primordiale.
Citation de l’épisode : « Les gens font que projeter des peurs. […] Quand tu tentes quelque chose qui est un peu hors sentier battu, […] il faut éviter d’écouter les les conseils des gens, surtout les négatifs parce que c’est pas des vrais conseils. »
Qu’est-ce que le voyage responsable selon Alex Vizeo ?
Réponse directe : Le voyage responsable consiste à ne plus être un simple ‘preneur’ mais aussi un ‘donneur’. Il s’agit de se demander ce que l’on peut apporter à la destination visitée, que ce soit en partageant ses compétences professionnelles, en participant à des initiatives locales (ex: collecte de déchets) ou en soutenant l’économie locale de manière consciente.
Citation de l’épisode : « Le futur du voyage, c’est de se dire, qu’est-ce que tu es prêt à consacrer comme temps, comme énergie, comme savoir pour cette population ? […] Intégrer le concept de ‘je rends’ et ne plus être dans le ‘je prends’ uniquement. »
Comment sortir de sa zone de confort pour évoluer ?
Réponse directe : Sortir de sa zone de confort signifie identifier le moment où une activité, même si elle était autrefois un défi, devient une routine confortable. C’est le signal qu’il est temps d’embrasser un nouveau chapitre ou un nouveau défi pour continuer à apprendre et à grandir personnellement et professionnellement.
Citation de l’épisode : « La vie, elle est pas stagnante, elle est évolutive. Et que quand ta zone d’inconfort devient ta zone de confort, c’est qu’il est temps pour toi de passer au prochain chapitre. C’est la suite de ta vie. »