Devenir papa quand on est entrepreneur – avec Paul de Nomade Digital

De jeunes nomades à pères de famille : une évolution inattendue

Bienvenue sur le podcast Nomade Digital, le podcast qui a bien évolué. On est passé de deux petits gars qui habitaient dans une chambre à 200 dollars, à maintenant des pères de famille responsables. Je suis Stan, et avec Paul, nous avons vu nos vies se transformer radicalement en quelques années. Quand nous avons commencé ce podcast, nous sortions à peine des études, on débutait sur internet et dans notre vie active. J’avais l’impression d’être à peine adulte. En l’espace de cinq ans, ce qui n’est pas si long, nous voilà tous les deux papas.

Cette évolution donne une valeur particulière à nos anciens épisodes. C’est assez rare d’avoir un historique en temps réel de son parcours. Comme le dit Stan : « Nous, on a un petit peu cette archive de l’évolution, les gens peuvent voir un petit peu comment on a évolué et comment est-ce que ça peut te transformer de faire ça sur plusieurs années.« 

Une paternité plus précoce que prévu

Personnellement, je n’imaginais pas avoir un enfant aussi jeune. À 28 ans, l’âge que j’avais à la naissance de ma fille, je me considère comme un père relativement jeune, surtout quand on regarde les statistiques en France. La moyenne d’âge pour le premier enfant est de 34 ans pour les hommes et 31 ans pour les femmes. Dans les classes socio-professionnelles supérieures, c’est encore plus tard. Paul confirme : « Moi je connais personne avec qui j’étais à l’université, quelques filles, mais aucun mec par exemple qui a un enfant maintenant.« 

Cette précocité est sans doute liée à notre parcours professionnel accéléré. Nous sommes passés de la quasi-pauvreté à une situation stable en quelques années seulement. Cette rapidité nous a habitués au changement et nous a montré que nous n’avions pas besoin de nous préparer pendant des années. Comme le souligne Stan, « j’ai pas non plus besoin de me préparer pendant des années à avoir un enfant, puisque finalement j’ai jamais vraiment eu trop l’occasion de me préparer pendant des années au changement qui se sont produits dans ma vie. » La sécurité financière joue aussi un rôle crucial. Il est évident que si nous vivotions encore avec 500 € par mois, devenir parent ne serait pas dans nos plans.

Pourquoi devenir papa entrepreneur ? Les raisons derrière la décision

La question peut sembler absurde, car la société nous pousse naturellement vers la parentalité. Mais pour nous, qui avons l’habitude de questionner les scripts traditionnels, c’était une vraie décision. En tant que nomades digitaux, personne ne nous aurait regardés de travers si nous avions décidé de ne jamais nous « poser ». Alors, pourquoi ce choix ?

L’instinct biologique et la pression sociale sous-jacente

Paul évoque une raison fondamentale : notre fonction biologique. « En tant que comment dire, agent biologique, ta seule fonction, c’est de survivre et de te reproduire. » C’est une explication qui peut sembler peu spirituelle, mais elle sous-tend beaucoup de nos comportements et la pression sociale qui en découle. C’est pourquoi, lorsque vous annoncez que vous allez avoir un enfant, tout le monde est content pour vous. Il y a un aspect presque tribal : un nouveau membre rejoint la communauté. Même en vivant à l’autre bout du monde, on n’échappe pas à cette biologie fondamentale.

L’importance cruciale de la famille

Un autre point soulevé par Paul est l’importance de la famille, un thème récurrent dans les regrets des personnes en fin de vie. « Ce qui revient toujours, en fait, c’est l’importance de la famille. […] Toutes ces personnes regrettent de ne pas avoir passé plus de temps avec leur famille. » Créer une famille semble avoir un retour sur investissement très positif pour le bonheur et le sens de la vie. Même des figures comme Phil Knight, le fondateur de Nike, expriment ce regret d’avoir passé trop peu de temps avec leurs enfants. C’est un avertissement qu’il vaut mieux écouter.

La fascination d’élever une personne

Pour Stan, l’un des moteurs principaux était le désir d’accompagner une personne depuis le début. « Moi je pense que vraiment c’était le côté de pouvoir élever une personne et pouvoir l’accompagner à partir de zéro et lui apprendre des trucs que je trouve assez fascinant. » C’est une relation unique que l’on crée. Aujourd’hui, avec sa fille de 15 mois, il vit cette expérience au quotidien : lui apprendre des mots, des jeux, et voir l’impact direct de ses actions.

Ce qui est gratifiant, c’est la progression constante de l’enfant. Les standards de réussite sont si bas au début que chaque petit progrès devient une immense victoire. « Un jour, je lui donne une de ses chaussettes, […] et là il va ramasser avec sa main sa chaussette. Et on était dingues, c’était le truc le plus ouf qu’on ait vu dans notre vie. » Cette fierté que l’on ressent quand son enfant accomplit quelque chose de simple, comme mettre ses chaussures, est un sentiment d’accomplissement incroyable, comparable à l’ascension de l’Everest par un ami.

Le rôle de la partenaire et de l’horloge biologique

Nous, les hommes, n’avons pas d’horloge biologique, mais nos compagnes en ont une. Paul insiste sur l’importance d’avoir une conversation claire à ce sujet, surtout à l’approche de la trentaine. Attendre trop longtemps pour être honnête sur ses intentions peut être très problématique. Une fois que la décision est prise en couple, la question devient : « pourquoi attendre ? » Si on a la bonne personne et les ressources, repousser la décision de 5 ans ne change pas grand-chose, si ce n’est qu’on aura 5 ans de moins à passer avec son enfant.

Le paradoxe du nomade digital : liberté contre responsabilité

Le nomadisme digital est souvent associé à une quête de liberté maximale, d’optionalité, avec le moins de contraintes possible. Avoir un enfant est, en apparence, l’antithèse de cette philosophie. C’est un engagement qui limite et contraint. Pourtant, c’est un choix que nous avons fait consciemment.

Paul l’explique très bien : « Au final, les responsabilités, ça a aussi l’avantage de donner du sens, de façon globale. […] Être totalement libre, […] ça a son fun, mais c’est qui qui dit tout le temps ça, ‘responsibility gives meaning’ ? » L’enfant est une énorme responsabilité, mais c’est aussi l’une des choses qui apportent le plus de sens. Nous avons volontairement restreint notre liberté, mais le gain en termes de sens et de but dans la vie est inestimable.

La liberté n’est pas un axe à maximiser à l’infini. Une personne sans aucune contrainte ni pression externe ne mène pas forcément une vie enviable. Il y a un besoin fondamental d’être utile, d’avoir de la valeur pour quelqu’un. Comme le résume Stan, il existe un équilibre entre le plaisir, le pouvoir et le sens. Si votre vie est entièrement tournée vers la quête de sens, avoir un enfant devient une évidence.

Les avantages surprenants de devenir papa entrepreneur

Au-delà de la quête de sens, la paternité apporte une série d’avantages concrets qui transforment la vie d’un entrepreneur.

Une expérience incomparable et un amour unique

On entend souvent dire que c’est une expérience incomparable, mais le vivre est autre chose. Paul décrit ce sentiment : « Quand il sourit, il y a quelque chose que tu peux pas vraiment expliquer et qui est totalement unique, que tu ne retrouves nulle part ailleurs. » C’est une forme d’amour plus forte, peut-être même que celle que l’on a pour ses propres parents, un lien qui se construit et se renforce chaque jour.

Un puissant rappel au moment présent

En tant qu’entrepreneurs, nos esprits sont souvent tournés vers le futur, à planifier, anticiper. Un enfant, surtout en bas âge, est constamment dans le présent. Le voir vivre pleinement chaque instant est un rappel constant à s’ancrer. De plus, chaque étape de son développement est éphémère. « Ils vont jamais revenir à 2 mois, ils vont jamais arriver à 6 mois. Donc ça te donne une valeur qui est vraiment spéciale au moment présent.« 

Multiplier ses identités au-delà du succès professionnel

Notre identité d’entrepreneur est souvent très liée à notre succès professionnel. C’est risqué, car en cas d’échec, c’est toute notre identité qui s’effondre. Devenir parent ajoute une nouvelle identité, celle de père de famille. Comme l’explique Paul, en se basant sur des études sur le suicide : « Si ils divorçaient et perdaient leur boulot, c’était l’ordre de grandeur était x 250. […] Toute leur identité s’écroule d’un coup. » Avoir plusieurs facettes à son identité (professionnelle, familiale, hobbies) est une forme d’assurance vie. Cela permet de relativiser les problèmes professionnels : une mauvaise journée au travail n’est plus une journée de merde si on a passé de bons moments en famille.

Développer une vision à long terme tangible

Avant d’avoir un enfant, notre horizon de planification était court. Le nomadisme digital nous poussait à penser à un ou trois mois. Avec le temps et le développement de nos business, cette vision s’est allongée. Mais un enfant la transforme radicalement. Il est difficile de prédire où sera son business dans 10 ans, mais on peut prévoir avec une relative précision où en sera son enfant. « Dans 15 ans, ma fille, ça sera une ado, elle ira au lycée. […] Je peux me projeter plus facilement sur 15 ans, » explique Stan. Cet ancrage temporel change la manière de prendre des décisions, y compris pour son entreprise.

Les inconvénients et défis à surmonter

Bien sûr, tout n’est pas rose. Devenir parent vient avec son lot de défis, surtout pour un entrepreneur habitué à une grande flexibilité.

Moins de temps et la fin de certains fantasmes

L’inconvénient le plus évident est la réduction du temps libre. Stan a drastiquement réduit sa consommation de séries et de vidéos YouTube. Il y a aussi une perte de contrôle sur son propre temps. De plus, certains fantasmes de liberté absolue, comme partir vivre dans un van aux États-Unis, deviennent plus illusoires. « Ça a permis de fermer définitivement certaines portes, certains fantasmes, de dire, je vais devenir pêcheur au bord de la mer et vivre avec 200 dollars, » admet-il. C’est un deuil, même si ces fantasmes n’étaient pas forcément destinés à se réaliser.

L’anxiété et les nouvelles responsabilités financières

La responsabilité d’une nouvelle vie crée inévitablement de l’anxiété. La peur d’un problème de santé, d’un handicap, est une préoccupation majeure. C’est une responsabilité que l’on ne peut pas lâcher, contrairement à un business. Sur le plan financier, le filet de sécurité change. Le mode de vie à 400 € par mois aux Philippines n’est plus une option. Le minimum vital augmente, même s’il faut se garder de tomber dans le piège de vouloir toujours « le meilleur » pour son enfant, au point de se bloquer soi-même.

Conseils pratiques pour les futurs pères nomades et entrepreneurs

Forts de nos expériences respectives, voici quelques conseils concrets pour ceux qui s’apprêtent à franchir le pas.

Créer le lien avec son bébé dès la naissance

Paul partage une expérience personnelle importante : l’amour fulgurant à la naissance n’est pas automatique pour tout le monde. « Moi j’ai pas eu du tout ça. À la naissance, c’était plutôt de l’anxiété. […] Si tu passes beaucoup de temps au début, tu as un lien qui se crée et maintenant ce lien est très fort. » Il conseille aux pères de s’investir dès le début, de changer les couches, de passer du temps avec le bébé même quand il n’interagit pas encore. Ce temps est crucial pour construire la relation.

Élever un enfant dans un couple bilingue : la méthode OPOL

Pour les couples avec différentes langues, la question de l’apprentissage est centrale. Stan recommande la méthode « One Parent One Language » (OPOL). « C’est l’idée que toi tu lui parles que en français et ta femme lui parle que en anglais. » Cela permet à l’enfant d’apprendre non seulement les mots, mais aussi les sons spécifiques à chaque langue. L’enfant n’a pas le concept du français ou de l’anglais, mais il comprend « la langue de papa » et « la langue de maman », ce qui facilite la séparation et l’apprentissage des deux systèmes linguistiques.