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Vivre du jeu vidéo – avec Julien Chièze

Épisode diffusé le 17 août 2021 par Marketing Mania

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Julien Chièze : 25 ans à vivre du jeu vidéo, de la passion à la position de numéro 1 sur YouTube

Julien Chièze est une figure incontournable du paysage vidéo-ludique français. Créateur de la chaîne YouTube numéro 1 sur l’actualité du jeu vidéo, il a su transformer sa passion dévorante en une carrière de plus de 25 ans. De la presse papier des années 90 à la cofondation de Gameblog.fr, jusqu’à son succès sur YouTube, son parcours est une leçon de persévérance, d’adaptation et d’authenticité. Comment a-t-il percé sur une plateforme déjà saturée ? Comment entretient-il la flamme après tant d’années ? Et quel est son secret pour publier une vidéo par jour ? Plongez dans les coulisses d’un homme qui a fait du jeu vidéo l’œuvre de sa vie.

Les débuts d’un passionné : comment devenir journaliste jeu vidéo à 16 ans

Le parcours de Julien Chièze a de quoi surprendre. Alors que beaucoup imaginent un cheminement classique, sa carrière a démarré de manière fulgurante et précoce. Il explique : « C’est vrai, j’ai commencé, j’avais 16 ans. J’ai écrit ma ma lettre de motivation le le soir de Noël, je sais plus combien, 96 je crois. » Une démarche audacieuse pour un lycéen qui va pourtant s’avérer payante.

La lettre de motivation qui a fait la différence

À une époque où le Minitel était encore d’actualité, les magazines de jeux vidéo comme Player One, Console Plus ou Joypad recevaient des piles de candidatures. Comment sortir du lot ? Julien a eu l’intuition de joindre à sa lettre un élément concret de sa passion : un fanzine, un magazine amateur qu’il créait lui-même.

« J’avais fait un fanzine perso, donc tu sais, des petits magazines fait soi-même et tout qui s’appelait Burning Paper que tu tu tu l’imprimais, tu le distribuais… à mes potes à l’école et cetera, tu vois, j’ai vraiment j’avais vraiment envie de le faire, je faisais la maquette, je faisais tout déjà à l’époque. »

Cette initiative démontrait une chose essentielle : il n’attendait pas la permission pour créer. C’est une leçon fondamentale : l’action prime sur l’intention. En créant son propre magazine, même avec les moyens limités de l’époque, il prouvait sa détermination et sa capacité à aller au bout d’un projet. Mais un autre détail, plus personnel, a attiré l’œil du rédacteur en chef de Joypad :

« J’ai dit bah, voilà, moi j’ai fait les scouts et je suis le frère aîné de deux sœurs, donc le sens des responsabilités, je connais et si vous me prenez vous inquiétez pas, je serai réglo, je ferai tout à fond et cetera. Ils ont dû se dire c’est qui ce mec-là, scout, 16 ans… »

Cette touche de naïveté et de spontanéité, combinée à la preuve tangible de sa passion avec le fanzine, a été le déclencheur. Il a obtenu un test, l’a réussi, et a signé son premier article sur le jeu Suikoden. Le début d’une longue aventure.

De la presse papier à YouTube : 25 ans d’adaptation dans les médias gaming

La carrière de Julien Chièze est marquée par une capacité à naviguer entre les différentes ères des médias. Après ses débuts dans la presse magazine, il a embrassé chaque nouvelle vague technologique, non pas par opportunisme, mais en suivant l’évolution des manières de partager sa passion.

L’expérience de la télévision et du podcast, un atout majeur

Avant de devenir un visage connu de YouTube, Julien a passé 11 ans à la télévision, notamment sur Game One et avec Bertrand Amar. Cette période a été cruciale pour développer une compétence clé : l’aisance face caméra. « Pendant plusieurs années, bah, toutes les semaines, en fait, j’étais rédacteur en chef, j’animais les émissions… je pense aussi quelque part, tu vois, que les choses qui m’ont amené à YouTube, bah, j’ai été habitué à parler devant une caméra quoi. »

Cette expérience lui a également servi lorsqu’il a co-fondé Gameblog.fr en 2007 et lancé l’un des premiers podcasts de jeu vidéo en France. Il était naturellement l’hôte de l’émission, son expérience télévisuelle lui donnant une longueur d’avance. Cette polyvalence, cette accumulation d’expériences sur différents supports, a construit la fondation de son succès futur.

Le virage YouTube : un lancement « tardif » mais stratégique

Se lancer sur YouTube en 2017 pouvait sembler tardif, surtout pour un vétéran de l’industrie. Pourtant, ce n’était pas un plan calculé. Après son départ de Gameblog, ce sont ses amis qui l’ont poussé à créer sa propre chaîne. Le projet a démarré sans réelle stratégie, avec une simple vidéo pour annoncer son départ.

C’est la couverture du salon de l’E3 qui a tout changé. « Ça a cartonné. Moi, je m’attendais à ce qu’il y ait 500 personnes, 1000 personnes qui nous suivent et en simultané, il y avait plus de 12 000 personnes. J’ai fait ah d’accord. Et en fait, bah, c’est comme ça que c’est parti. »

Ce succès immédiat a révélé un besoin : celui d’une audience qui souhaitait suivre l’actualité avec une personnalité qu’elle connaissait et appréciait, plutôt qu’à travers la voix d’un média traditionnel.

La recette du succès : comment percer sur YouTube gaming ?

Aujourd’hui, la chaîne de Julien Chièze est la plus grosse sur l’actualité du jeu vidéo en France. Comment a-t-il réussi à supplanter des médias employant des centaines de personnes ? La réponse réside dans son positionnement unique et sa compréhension des nouvelles attentes du public.

Un créneau inexploité : l’actualité quotidienne à la manière d’un magazine

En 2017, le gaming sur YouTube était dominé par les Let’s Play et le divertissement. Julien a identifié une niche : « Il y avait pas tant l’actualité quotidienne du jeu vidéo. C’est-à-dire avec un rythme que moi j’appelle un rythme un magazine, en fait. » Il a transposé la rigueur et la régularité de la presse sur YouTube, en proposant chaque jour une analyse de l’actualité, des tests, des interviews, etc.

Cette approche a créé une transition majeure dans le paysage médiatique. Il le constate lui-même : « On est en train de connaître de nouveau un moment un peu pivot comme la presse papier l’a connue avec l’émergence des sites web. » Les créateurs individuels, autrefois considérés comme des outsiders, sont devenus des acteurs centraux, obtenant des exclusivités autrefois réservées aux grands sites.

Le pouvoir de la personnalité et de la subjectivité assumée

La clé de cette transition est le désir du public de se connecter à des individus plutôt qu’à des marques. Les spectateurs ne viennent pas seulement pour l’information, mais pour l’analyse, la perspective et l’avis d’une personne en qui ils ont confiance. Cet avis est, par nature, subjectif.

« Il y a une énorme erreur qui est faite par beaucoup de gens qui disent Vous n’êtes pas objectif. […] Dans mon domaine qui est l’actualité du jeu vidéo […] après, c’est de l’appréciation artistique en fait. Est-ce que l’histoire, l’aventure, le graphisme me plaît, ne me plaît pas ? Moi, je trouve que bah, ça s’appelle un édito et l’édito c’est subjectif. »

Julien défend cette subjectivité. Tenter de la gommer reviendrait à livrer une page Wikipédia sans âme. C’est son point de vue, étayé par des arguments, qui crée de la valeur et de la différenciation. L’exemple de son « non-test » du jeu Returnal, où il a honnêtement admis avoir été bloqué par la difficulté, a créé une controverse mais a aussi généré une discussion passionnante. C’est la preuve que l’authenticité et un point de vue tranché engagent bien plus qu’un consensus mou.

Vivre du jeu vidéo sans perdre la flamme : le secret de la passion

Après 25 ans de carrière, la question de l’usure se pose inévitablement. Comment fait-il pour ne pas se lasser d’un univers qu’il côtoie professionnellement chaque jour ? Sa réponse est simple : la passion reste le carburant principal.

« La première personne qui doit prendre du plaisir, c’est moi »

C’est la philosophie qui guide son processus de création. Il est transparent avec son audience sur ce point : « Si je prends pas de plaisir, de manière répétée, au bout d’un moment, je n’arriverai pas à vous donner du plaisir. Ça se verra et cetera. » Cette approche garantit son authenticité. Il ne se force pas à suivre des tendances ou à tester des jeux qui ne l’intéressent pas. Il est le premier gardien de sa propre flamme.

Cette passion se ressent dans son rythme de publication effréné, qu’il gère de manière quasi artisanale. Il ne sous-traite pas le montage, préférant garder le contrôle sur son contenu pour qu’il lui ressemble parfaitement. C’est cette implication totale qui maintient l’étincelle vivante.

Gérer la critique et l’intensité des communautés de joueurs

La passion des joueurs est à double tranchant. Elle crée des communautés engagées, mais aussi des clivages parfois violents, souvent illustrés par la « guerre des consoles ». Julien compare ce phénomène aux rivalités sportives comme PSG-OM. Pour lui, cette compétition est saine tant qu’elle ne bascule pas dans la haine.

Face aux critiques parfois virulentes, il a développé une résilience, guidée par une citation : « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort. » Il explique :

« Quand tu es exposé, forcément, tu as des gens qui t’aiment, tu as des gens qui t’aiment pas. […] Pour autant, moi, je continue mon chemin et je crois en ce que je fais, en ce que je suis et j’avance et finalement, d’une certaine manière, tu sais, ben, ceux qui t’aiment pas mais qui viennent au quotidien, ils t’aident. »

Il raconte même recevoir fréquemment des messages de personnes qui l’ont découvert à travers des critiques négatives et qui, en se faisant leur propre opinion, sont devenues des abonnés fidèles. Une belle leçon sur la manière de transformer le négatif en force motrice.

Questions fréquentes sur Julien Chièze et le métier de créateur de contenu jeu vidéo

Comment Julien Chièze a-t-il débuté dans le journalisme de jeu vidéo ?

Julien Chièze a commencé sa carrière très jeune, à 16 ans, en envoyant une candidature spontanée au magazine Joypad. Ce qui a fait la différence, c’est qu’il a joint un fanzine (magazine amateur) qu’il créait lui-même, prouvant ainsi sa passion et sa proactivité.

« J’ai écrit ma lettre de motivation le soir de Noël 96 je crois. […] J’avais fait un fanzine perso […] qui s’appelait Burning Paper que tu l’imprimais, tu le distribuais. […] Et donc je l’avais joint dans ma lettre. »

Quelle est la clé du succès de Julien Chièze pour percer sur YouTube ?

Son succès repose sur le fait d’avoir trouvé une niche peu exploitée en 2017 : l’actualité quotidienne du jeu vidéo, traitée avec un rythme et une analyse de type magazine. Il a su allier sa crédibilité de journaliste à la proximité offerte par la plateforme.

« À cette époque-là, en 2017, le jeu vidéo, c’était surtout utilisé pour faire des Let’s Play […] mais il y avait pas tant l’actualité quotidienne du jeu vidéo. C’est-à-dire avec un rythme que moi j’appelle un rythme un magazine, en fait. »

Comment fait-il pour publier une vidéo par jour de manière si régulière ?

Sa régularité est directement alimentée par sa passion pour le jeu vidéo. C’est ce plaisir constant à décrypter l’industrie qui lui donne l’énergie de maintenir ce rythme effréné. Il considère le plaisir personnel comme une condition essentielle pour pouvoir en donner à son audience.

« Qu’est-ce qui te fait te lever tous les matins ? Moi, ça fait 25 ans que que j’ai la chance de faire ce métier. […] C’est parce que j’aime profondément ça. […] Si je prends pas de plaisir, de manière répétée, au bout d’un moment, je n’arriverai pas à vous donner du plaisir. »

La passion pour le jeu vidéo peut-elle s’épuiser quand ça devient un métier ?

Julien Chièze prouve que non, à condition de la protéger. Il n’a jamais perdu sa passion car il a toujours veillé à ce que son travail reste aligné avec ses envies profondes, en testant les jeux qui l’attirent et en ne se forçant pas. Il n’en veut jamais à sa passion, mais plutôt aux contextes qui pourraient l’étouffer.

« Jamais en vouloir à sa passion, ce serait trop dommage. Il y aurait trop de choses qui seraient perdues en fait. […] Mais oui, après, soyons honnêtes, il y a des jours et il y a eu des moments dans ma vie, dans ma carrière plus heureux que d’autres. C’est certain. »

Un créateur seul peut-il vraiment rivaliser avec les grands sites de jeux vidéo ?

Oui, et l’exemple de Julien Chièze le démontre. Il explique que lors des grands événements, sa chaîne YouTube réalise des audiences supérieures à celles des grands sites établis. Le public se tourne de plus en plus vers des personnalités pour leur analyse et leur proximité.

« Sur chaque couverture de grands événements, […] sur ma chaîne, on a toujours été en audience pure plus haut que bah, les gros sites classiques d’actualité de jeux vidéo bien établis. […] Les gens gravitent plus vers des personnalités plutôt que vers des marques un peu impersonnelles. »

Pourquoi un test de jeu vidéo ne peut-il jamais être 100% objectif ?

Selon Julien Chièze, si les aspects techniques peuvent être mesurés objectivement (framerate, définition), l’essentiel d’un jeu (histoire, direction artistique, plaisir de jeu) relève de l’appréciation artistique et culturelle. Un test est donc un éditorial, un avis subjectif et argumenté, et c’est ce qui fait sa valeur.

« Les gens qui vous diront les yeux dans les yeux, je fais un test objectif, c’est pas vrai. […] Si tu retires toute la subjectivité, en fait, le test, c’est juste la page Wikipédia, quoi. »

Comment Julien Chièze gère-t-il la négativité et les critiques en ligne ?

Il a appris à prendre du recul et s’appuie sur la devise « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ». Il considère que les critiques, même négatives, contribuent à sa visibilité et que l’important est de rester fidèle à soi-même et de continuer à avancer.

« Quand il y a une espèce d’effet de meute, parfois, c’est un peu tu fais waouh. Et donc OK, mais pour autant, moi, je continue mon chemin et je crois en ce que je fais, en ce que je suis et j’avance. »

Quelle est sa vision de la « guerre des consoles » entre les joueurs ?

Il la compare à une rivalité sportive, comme un match PSG-OM. Il trouve que cette compétition est saine et crée un folklore intéressant, tant qu’elle ne tombe pas dans l’excès et la haine. Le problème vient des « fanboys » qui souhaitent l’échec du camp adverse, ce qui est pernicieux.

« Je parle plus de match que de guerre, mais c’est vrai que pour certains, c’est un peu vindicatif, quoi. […] Ton plaisir c’est que celui d’à côté, il échoue ou il va pas bien […]. Là, par contre, bah là c’est pernicieux. »


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